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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Lever de soleil

"Mais tout peut changer aujourd'hui,
C'est le premier jour du reste de ta vie..."

Etienne Daho

Départementale 768, 5h44.

Je coupe la musique. J'ai vraiment pas la tête à écouter le chanteur aphone me débiter ses mièvreries, toutes circonstancielles qu'elles soient. J'ai les boules: En sortant de chez moi, à 5h30, il faisait déjà jour. Combien de précieuses minutes de soleil avais-je laissées m'échapper? Je sais que cette session ne sera pas la plus grosse de l'année, les prévisions les plus optimistes plafonnent à 20cm, mais ce sera la première depuis longtemps, très longtemps, trop longtemps. Et ça, ça n'a pas de prix.

Parce que oui, je suis en route pour une session. La session de la reprise. La session tant attendue. Le rendez-vous est fixé à 6h15 avec mon pote qui bosse en slip, lui aussi dans les starting blocks. Je viens de passer Plouharnel, plus que quelques centaines de mètres et je tournerai à droite en suivant les panneaux "la guérite". La mairie aura-t-elle eu le temps de débloquer l'accès? Les autorités sont-elles au courant que l'accès aux plages est autorisé? Je me suis tellement habitué à rester chez moi que j'ai l'impression de braver l'interdit à chaque fois que je franchis mon portail. Au volant de mon camion, je suis un rebelle, un insoumis!

Le stationnement le long des plages est interdit dans tout le département, de 22h à 7h, la préfecture souhaite éviter les rassemblements imprévus et le camping sauvage. Je ne manque donc pas de remarquer le camping-car en face des tags et la camionnette aménagée dans le parking. Enfin vu les photos qui circulent des mecs qui se sont gavés pendant l'interdiction d'aller à l'eau, je ne m'étonne plus de rien. Abstraction faite de la camionnette, je suis le deuxième sur place. Un mec est déjà en train d'enfiler sa combi. Entre matinaux, on se salue. On sait profiter du bonheur simple d'être à l'eau avant le charter de 10h et le bordel programmé.

Mon pote qui bosse en slip se gare quelques secondes après moi. On se salue comme des déconfinés, de loin. Le temps d'aller checker l'absence de vagues par dessus la dune et de constater que les chemins sont désormais à sens unique (condition sine qua non pour que le préfet autorise l'ouverture de la plage: les promeneurs ne doivent pas se croiser) et nous enfilons nos combars. Au programme ce matin: une belle baignade entre potes et une série à 30cm tous les quarts d'heure, qui déferle à peu près là où on a de l'eau jusqu'aux chevilles.

Sur le tableau de bord, le thermomètre affiche 3°c, j'ai les orteils qui gèlent sur les gravillons du parking. J'anticipe déjà une mise à l'eau délicate en raison d'une désaccoutumance au froid. La marée est basse et il faut marcher dix plombes dans le sable surgelé avant de mouiller les pieds, c'est donc une excellente surprise de constater que l'eau est en réalité incroyablement tiède, au point même que j'ai plaisir à m'y glisser sans autre forme de procès.

On ne va pas se mentir, côté glisse c'est pas la grosse éclate. Mais côté plaisir, c'est l'orgasme des cinq sens: la fraîcheur de l'eau, l'odeur d'iode, le sel sur mes lèvres, l'horizon embrasé et le clapotis de l'eau, tout est là. Comme je l'avais laissé en partant. Au bout de quinze minutes de poilade avec mon copain, un rayon pointe le bout de son nez par dessus la dune et le soleil nous offre bientôt un lever de lui-même, enflammant de mille couleurs un ciel qui tire du blanc au bleu nuit selon l'azimut. L'instant est magique.

Pendant deux heures, nous profitons de notre solitude, savourant chaque seconde. Faisant même parfois un peu de surf. Les chôrtebeurds sont restés dans le camion, c'est malibu pour tout le monde. Et pour une fois je m'en félicite: malgré un entrainement intensif destiné à conserver la forme (plusieurs heures de lever de coude pluri-hebdomadaires), je me sens incroyablement mou et impuissant. J'ai d'autant plus l'impression de ramer dans de la semoule que les vagues sont vraiment super molles façon ehpad en rupture de viagra. Alors dans ces conditions, difficile de cracher sur les 70 litres de ma péniche.

Au moment de mettre les voiles, le bilan est super positif en dépit du fait que nous n'avons pas glissé des masses. Comme le souligne mon camarade: "Hey, on a fait pire!". Et puis c'était une chouette baignade. Et pi c'est comme ça et pi c'est tout!

En remontant au parking, nous croisons deux jeunes femmes qui déboulent à contresens par le chemin de sortie. Puis un motard, suivi de deux autres mecs. Bon sang, la signalétique est pourtant plutôt visible, comment se peut-il qu'absolument TOUT LE MONDE s'acharne à prendre ce foutu chemin à l'envers? Le temps de se changer, quatre autres gusses se garent côte à côte, tapent la bise et passent la foutue dune en sens interdit. A ce stade, ce n'est plus du hasard, c'est clairement un besoin compulsif de montrer à tout le monde qu'on chie sur les règles.

Et encore une fois, je me désole de constater que la moindre parcelle de liberté qu'on nous cède est savamment exploitée pour faire n'importe quoi et justifier qu'on nous l'enlève à nouveau. Entre les camping-cars immatriculés de presque tous les départements de France que j'ai croisés sur la route des plages, les sens de circulation sciemment ignorés et les nombreux apéros orgiesques rassemblant plusieurs dizaines de personnes autour d'un unique bol de cacahuète contaminé qui sont en préparation pour ce soir, je suis pessimiste vis à vis du fait que le gouvernement ne regrette pas rapidement sa décision d'avoir relâché la bride. Et je ne parle même pas de tous ces hurluberlus qui déambulent dans les lieux publics en portant leur masque usagé sur la bouche, juste en dessous de leur nez resté à l'air! Comme si moi je laissais ma bite pendouiller par dessus l'élastique de mon slip en pensant me protéger d'un rhume du prépuce...

Non, vraiment. J'ai bien fait d'en profiter... Parce qu'à ce rythme, je suis pas sûr qu'on va pouvoir continuer à surfer très longtemps...

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D
J'imagine l'ambiance avec ton pote Daho, la grosse solitude, mdr.<br /> <br /> J'ai pas surfé mais baladé avec ma fille à la Guérite aussi, c'était déjà le pied.
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C
Contente pour toi et tes copains. Allez, soyons optimistes. Profitons.
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