Chroniques de la loose surfistique ordinaire
3 Novembre 2020
Mon ordi, 9h48.
Plus que quelques minutes avant l'audioconférence rituelle du matin. Et quand je dis "rituelle", je parle d'un truc installé depuis plus de 4 ans. Le télétravail, c'était déjà la norme pour moi avant que les chinois se mettent à fricoter avec des pangolins. Et comme en plus cette fois-ci l'école me débarrasse des chiards, ça ne change pas grand chose à mon quotidien…
…Le seul problème c'est que, cette fois, ça ne semble pas changer grand chose au quotidien de qui que ce soit. La dernière locution présidentielle était tellement ambigüe, sans doute une volonté de faire passer le coloscope en douceur, que personne n'a vraiment compris où se situait la limite entre ce qu'on pouvait continuer à faire, et ce qu'on ne pouvait plus continuer à ne plus faire. Écoles, services publics et EHPAD restent ouverts par décret présidentiel, les maires autorisent les petits commerces de leur commune (déjà fragilisés par la précédente vague) à tenter de survivre, les grandes enseignes d'ameublement suédois s'auto-accordent le droit de ne pas fermer, les entreprises qui pourraient mettre le télétravail en place imposent à leurs salariés de pointer au bureau… Bref, les seules personnes qu'on nous encourage à ne pas fréquenter sont nos proches. Bain de foule à l'hypermarché? OK. Bain de mer avec les enfants? NOPE.
En allant déposer mon gosse au collège dûment muni de l'attestation adéquate (parce que d'un point de vue sanitaire, c'est quand même moins con que de le laisser prendre le bus sur la ligne la plus fréquentée du département), je ne me surprend même pas à constater que c'est le même merdier sur la route que d'habitude. En fait nan, c'est un petit peu pire, eu égard à la recrudescence de ressortissants étrangers (région parisienne en tête) venus passer leur confinement sur la côte. Grandes surfaces dévalisées, caddies à 600€, pompes à essence asséchées; la fin des vacances de la toussaint a vu sur les routes de France les plus gros bouchons enregistrés depuis ces dernières années… Dans le sens des départs! Le monde marche sur la tête.
Bilan des courses: quelle est la seule chose dont je sois vraiment privé? Aller me baigner seul sur un petit coin de mer en chantier, avec ma planche de surf sous le ventre. C'est moche. Pour tenter de résoudre l'équation, un copain vient de me proposer un contrat de travail: "surfeur professionnel, salaire net 1€/mois". Pas con! Après tout, on a le droit d'aller au boulot. Sauf que je doute que l'attestation de mon nouvel employeur, écrite sur un morceau de nappe en papier, suffise à convaincre la maréchaussée en cas de contrôle. Peut-être vaut-il mieux m'abstenir et ronger mon frein en pensant aux petits vieux immatriculés dans le 92 qui se promènent sur les plages du 56, une attestation dérogatoire en poche justifiant leur promenade quotidienne à moins d'1km du domicile.
Pourtant, ma situation auriculaire commençait à s'améliorer: Ce matin même, en inspectant le chantier, mon ORL émettait un "tiens, c'est marrant ça!" des plus encourageants. Il semblerait qu'une grosse partie de la merde qui me pousse dans la tête ait décidé de se faire la malle, laissant derrière elle un cratère purulent expliquant la douce fragrance de morbier qui émane de mon pavillon. Encore deux semaines de patience avant le scanner pour savoir si le fruit est bel et bien tombé de l'arbre (tu vas me manquer, fiston) ou si l'éventuelle partie cachée de l'iceberg continue de menacer mon nerf facial. Dans les deux cas, il va falloir reboucher le trou, et il faudra attendre la fin de la crise sanitaire avant d'avoir le droit de jouer au billard. Mais d'ici là rien ne m'empêche d'aller le remplir de plancton. Alors ajoutez à cela une semaine de conditions presque potables au programme et le soleil qui fait son grand retour, et vous avez le cocktail idéal pour bien ronger son frein.
Oui, je suis re-confiné. Et je ne suis certainement pas le seul à m'imposer la discipline de ne pas jouer avec l'ambiguïté des nouvelles règles du jeu. Mais ça n'empêche pas de se rendre compte qu'il reste quand même une sacrée tripotée de cons pour qui ces mesures sanitaires sont un peu comme le code de la piraterie à la sauce Jack Sparrow: "c'est plus une ligne de conduite qu'une règle stricte" et qui s'acharnent à faire de la merde en exploitant les failles du système et la moindre parcelle de liberté dont on ne les prive pas explicitement. Après tout, l'histoire est un éternel recommencement.
Et dire que les scientifiques planifient déjà la troisième vague… À ce rythme là, je vois plutôt venir une houle croisée multi-peak: la prochaine série va nous tomber dessus avant qu'on ait eu le temps de finir notre premier canard. Il va y avoir du monde à boire la tasse, hélas.
Bon confinement à tous.