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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Jalousie

Cela a déjà été dit dans ces pages: la seule chose qui est pire que de rater une bonne session, c'est l'idée que d'autres aient pu en profiter. Et lorsque d'autres en ont vraiment profité, il suffit d'un mot maladroit de leur part pour réveiller le monstre vert qui dort en nous et nous transformer en le pire des amis.

Le weekend avait pourtant à peu près bien commencé: privé de surf par un programme chargé, je m'étais tout de même calé un aller-retour à la côte sauvage pour constater les traces laissées par la tempête. Un vent de sud-ouest soufflant à plus de 50 noeuds toute la nuit avait transformé la mer en un champ d'écume chaotique. Depuis la pointe du Percho, je regarde une houle de plus de 3m venir se fracasser directement au pied des falaises. C'est la marée haute, il n'y a rien d'exploitable aussi loin que porte le regard. Un moindre mal en ce qui concerne ma diète surfistique. De retour dans le parking, je regarde incrédule un type enfiler sa combi, debout sur le plateau de son pickup. Sa planche de surf l'attend à la place du mort. J'ignore s'il est suicidaire ou surhumain. J'entendrai peut-être parler de lui dans le journal du lundi...

Sur la route du retour, je vois deux gonzes se mettre à l'eau sur un repli près des grandes plages. Ils ont sans doute raison: malgré le vent, ça semble être le seul endroit praticable le long de cette côte. Et même là, c'est pas fameux. A cet instant, le monstre vert dort encore paisiblement dans ma poitrine.

Soudain, tout bascule. Le son caractéristique de ma messagerie retentit dans l'habitacle de la voiture. D'un bref coup d'oeil sur l'écran allumé de mon téléphone, je reconnais l'expéditeur: il est loin d'ici, sur ma côte natale, à la recherche du repli légendaire. Première image: une vague à hauteur de genou qui déferle sur une plage que je reconnais immédiatement. Malgré le caractère exceptionnel de la scène, je sais que ça ne sera pas suffisant pour aller à l'eau, le monstre se retourne en soufflant.

Image suivante quelques minutes plus tard, beaucoup plus près de chez mes parents qui habitent à quelques centaines de mètres de la prise de vue, c'est une véritable gauche à l'air carrément exploitable. Elle est d'autant plus incroyable que rien ne rentre jamais à cet endroit. Je réponds maladroitement, mais en toute sincérité, que l'emplacement n'est pas adapté. Le coin est extrêmement pollué et plus personne ne s'y baigne depuis des années. Mais à l'idée de voir se concrétiser une session à laquelle je ne participerai pas, au coeur même de "mon" fief, le monstre s'agite et grogne dans son sommeil.

Enfin, je reçois le troisième message une heure après la tombée de la nuit, et je sais immédiatement que le mal est fait. En trois mots seulement, le monstre s'éveille en un rugissement assourdissant m'interdisant toute logique: "C'était dingue!"

Le troisième spot était le bon, je n'en saurai pas plus. Histoire de sauver les apparences, je me force à répondre un truc intelligent et mature "Trop cool, je suis content pour vous!", même si une partie de moi espère en secret voir mes amis couverts de pustules à la suite d'un contact avec la vase chargée d'hydrocarbures, de bisphénol et de résidus de glyphosate. "Excellente réponse, Callaghan!" affiche quelques secondes plus tard ma messagerie.

Dans une explosion de mesquinerie pure, je m'empare du clavier avec l'intention de faire autant de dégâts que possible, en un nombre minimum de mots: "J'étais off ce weekend, donc aucun regret... Je rigolerai toute la semaine prochaine en te sachant au boulot!".

L'absence de réponse fut immédiat. Je venais de perdre un ami.

Le surf, ça rend bien con quand même!

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Mise à jour, le 7 décembre: après avoir tiré les vers du nez de mon pote avec qui je m'étais réconcilié dans l'unique but d'avoir un report de cet session incroyable, j'apprendrai qu'en réalité il n'était jamais allé à l'eau. Tout cela n'était qu'une manœuvre minable pour me rendre jaloux. Le surf, ça rend bien con quand même!

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