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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Un de moins

[spot non précisé], 12h30.

Après avoir exclu d'emblée les spots grand public au vu des prévisions déplorables, j'avais poussé mon blablatruck jusqu'à un pseudo-repli appartenant à la catégorie des coins pas vraiment secrets mais pas non plus hyper fréquentés. Le genre qu'on voit de loin mais sur lequel on ne pense jamais à s'arrêter.

De mémoire d'homme, je n'ai jamais eu de session incroyable à cet endroit. Pourtant, j'y reviens régulièrement, comme par habitude, lorsque la guérite ou les crevettes ne sont pas praticables et que j'ai la flemme de réfléchir aux multitudes d'options possibles. Aujourd'hui, sans grande surprise, les conditions y sont "bof bof": pas de barre (c'est déjà ça) mais une houle pas du tout calée. Plus précisément, deux houles perpendiculaires arrivant respectivement par le nord et le sud de l'île Téviec, suite aux effets de diffraction, et qui luttent l'une contre l'autre pour s'empêcher respectivement de déferler. Mais dans cette cohue, nous pensons repérer, mon acolyte de moi, une poignée de morceaux acceptables.

Sans l'ombre d'une hésitation, je dégaine la grosse Bertha. Je sais qu'il faudra au moins ça pour glisser. La pluie s'est arrêtée et le soleil se joint à la fête, les conditions sont réunies pour se mettre à l'eau sans plus attendre.

C'est marée haute, la pente du haut de plage transforme la houle innocente en petit shore break, et les tonnes d'eau déposées sur le sable s'échappent vers le nord en faveur d'un concave dans la côte, créant à cette occasion un fort courant. Le temps de se positionner dans la zone, longue comme un terrain de foot, au sein de laquelle les vagues déferlent plus ou moins, et nous avons déjà décalé de plusieurs centaines de mètres. Je perds mon collègue de vue tandis que je tente de ramer contre le jus pour rester en face du parking, alors que lui se résigne à surfer là où la mer l'aura déposé.

Armé de patience, je capte avec succès quelques vagues. Elle disparaissent presque aussi vite qu'elle se dressent, mais ont le mérite de ne pas me laisser brocouille. La grosse Bertha manque évidemment de maniabilité et je me fais surprendre à plusieurs reprises avec des intentions de courbes que mon flotteur ne peut pas assumer. Déséquilibré par mon engagement excessif, je n'évite la chute que grâce à un habile jeu de bras à l'élégance douteuse. De plus, je peine à trouver mes marques sur ce flotteur plus long et large que mes planches habituelles, or les vagues ont beau ne pas être longues, celles qui m'emportent n'en sont pas moins puissantes et raides, et nécessitent de garder un appui ferme sur sa carre.

Malgré mes efforts obstinés, je n'arrive pas à garder mon alignement avec le parking. Même au large, le courant m'emporte à la vitesse d'une course de déambulateurs à l'hospice des vieux gâteux. Sur la plage, je repère le collègue en train de marcher sur le sable. Il semble avoir opté pour le choix le plus raisonnable: prendre deux vagues, marcher 800m, prendre deux vagues, marcher 800m... Je décide de l'imiter.

Le retour à la plage n'est qu'une formalité: en plus de pousser vers le nord, le courant me rabat sur le rivage. Une fois au sec, je traverse complètement le spot, non sans espérer voir s'inverser le tapis roulant une fois de l'autre côté de la plage, convexe à cet endroit. Hélas, la situation n'est pas plus enviable: non seulement ça décale toujours aussi vite, mais à cet endroit les vagues ne sont même plus exploitables.

En l'absence de barre, je rame droit devant moi pendant une dizaine de minutes, sans rien de tangible qui soit susceptible de me faire reculer. Pourtant, à chaque mètre gagné, j'ai l'impression que la zone d'impact recule d'autant. Sans me retourner, je continue ma progression. De temps en temps, je fais une courte pause le temps de laisser refroidir le feu dans mes épaules, chacune me coûte plusieurs dizaines de mètres de recul par rapport à cette zone qui n'en finit pas de s'éloigner. Lorsque je m'assois enfin sur ma planche pour faire le point, je découvre avec horreur que non seulement j'ai de nouveau décalé bien au delà de mon point de départ, mais que je ne suis qu'à un jet de pierre du rivage!

Après tout, à quoi bon se faire chier à créer une barre de houle quand on peut se contenter d'un bon gros courant pour empêcher ces petits cons de surfeurs d'aller chercher les vagues?

Cette session tourne au désespoir. J'ai l'impression de ne plus faire qu'une seule chose: ramer. Ramer toujours et encore. Ramer contre ce putain de courant. Comme un boxeur qui remonte sur le ring sans la moindre chance de gagner un round, je m'acharne contre l'inéluctable. Si encore je prenais des gifles, ratais des canards et bouffait des pelleteuses, j'aurais une "bonne" raison de faire sur place. Mais là c'est tout simplement inique! Je rame parce que la mer en a décidé ainsi. Au point de bientôt me faire jeter l'éponge.

Et le plus frustrant dans l'histoire, c'est que je savais que ce spot était propice au courant. Ce n'est pourtant pas la première fois que je m'y casse les dents. Aujourd'hui, c'est seulement pire que d'habitude. Genre mille fois pire.

En sortant finalement de l'eau après un dernier surf à la limite du ridicule, je raye ce spot de ma liste mentale des replis intéressants. Et bim! Un de moins. La prochaine fois, je ferai l'effort d'aller chercher ailleurs.

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