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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Décalages

Les crevettes, 12h.

Il y a des jours, comme ça, où j'ai l'impression de vivre dans une dimension parallèle.

Sur les réseaux numériques, les différents rapports font état de conditions "merdiques", "comme hier", ou encore (dans le meilleur des cas) "propre mais mou" alors que sous mes yeux, de belles lignes glassy déroulent à quelques dizaines de mètres à peine de la plage. Ça ferme un peu vite, certes, mais même avec ma planche la moins volumineuse, je n'ai aucune difficulté à capter vague sur vague, au point même que mes bras fatiguent à force de ramer, non pas pour franchir une barre inexistante, mais pour enchaîner les take-off sans la moindre opportunité de faire une pause.

Autre décalage: malgré les conditions plus que carrément potables et un total de 5 mecs à l'eau (autrement dit, c'est open-bar pour tout le monde), impossible de surfer l'esprit libre. Si ma Cymatic m'offre de belles prises de vitesse et quelques virages bien serrés, les vagues déroulent tellement près du bord que la sortie se fait souvent dans quelques centimètres d'eau à peine. Mon Evo tout juste réparée, je sais que je vivrais assez mal le fait d'enfoncer à présent un boitier sur la Cym'. Je m'efforce donc de ne pas prolonger le plaisir plus longtemps que nécessaire et vérifie compulsivement l'état de mes dérives après chaque vague, de peur d'avoir accidentellement déterré une palourde ou deux.

Autour de moi, tout le monde a l'air de s'amuser. Il y a des peaks plus poussifs que d'autres mais dans l'ensemble, on voit plus souvent les mecs debout qu'allongés. Il y a du mini-malibu, du longboard, de l'hybride... ça glisse relax, le sourire est sur tous les visages. Suis-je vraiment sur la bonne planète? Histoire de coller avec l'ambiance, je décide naturellement de changer de planche pour un modèle moins... précieux. Or j'ai justement la candidate idéale dans le coffre: le Knacki-Ball peint au canard WC, qui vient tout juste de retrouver ses lettres de noblesse. Après un dernier snap, je laisse la vague sur laquelle j'étais en train de surfer me ramener au bord pour procéder à l'échange.

Une fois dans le parking, la réalité bascule. Debout à côté de leur voiture, une paire de vieilles écoute Laurent Voulzy à fond sur l'autoradio, portières grandes ouvertes, histoire que tout le monde en profite, en fumant des clopes. J'en ai à présent la certitude: j'ai transité dans un univers alternatif où les racailles sont sexagénaires, ont remplacé le joint par les clope slim au menthol et écoutent de la musique de merde... ah non tiens, ça c'est une constante. La Cymatic soigneusement rangée, j'entreprends de remplacer les trois dérives en plastique du Knacki-Ball par un jeu de quad, histoire de voir si ça change la donne. Cette opération, ralentie par mes doigts engourdis, me piège pendant de trop longues minutes dans ce parking mal fréquenté, à subir un véritable viol auditif à grand renfort de Julien Clerc, Christophe Mahé et autres Florent Pagny, sur une compilation soigneusement choisie de soupe populaire sans ambition artistique.

La délivrance ne se fait que trop attendre et, en reprenant le chemin de la plage, les mesures entêtantes d'une chanson (que j'ai heureusement oubliée à l'heure ou j'écris ces lignes) résonnent, inscrites au fer rouge, dans ma tête. A cet instant, je le sais, les paroles insipides de ce magma de notes informes ne me quitteront plus jusqu'à la fin de la session, lorsque je pourrai enfin me rincer les esgourdes avec AC DC, RATM, Prodigy, Rammstein ou encore Lorie... Enfin bref, de la bonne musique!

Nonobstant cette nuisance intellectuelle en fond sonore, ma session reprend sur les chapeaux de roues. Les vagues ne sont pas significativement plus faciles à attraper avec ces dix litres de plus, mais le fait de n'en avoir plus rien à foutre de péter le matos me permet de profiter d'avantage de l'instant. La perte de vitesse inhérente à ce changement de flotteur ne me permet plus d'éviter la fermeture, alors je tente des trucs idiots et marrants: je me projette sur la lèvre dès que celle-ci me dépasse, pour des acrobaties du plus bel effet. Étrangement le changement de dérive semble bénéfique à cette planche. Impossible de dire si c'est le passage du thruster au quad ou la transition du plastique enrobé caoutchouc à la résine, mais j'ai le sentiment d'avoir gagné en accroche et en précision. La planche elle-même semble moins se gondoler qu'à l'accoutumée.

Force est de constater que, malgré des conditions favorables, je m'amuse d'avantage avec la pire planche du monde qu'avec le modèle pourtant élu "meilleur coup marketing de l'année" par les consommateurs. C'est le monde à l'envers. Et pour couronner le tout, en sortant de l'eau après avoir eu mon compte et l'impression d'y être depuis plus de deux heures, je constate que j'ai au contraire une demi-heure d'avance sur mon planning habituel!

Cette fois-ci, c'est certain, j'ai surfé dans une faille spatio-temporelle.

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A
Hello,<br /> Vais à la pêche aux infos... t allé voir ce midi (17 janvier) ? J’ai un gros doute sur les prévisions... ça annonce du assez gros mais??? Comme le vent est censé tourner un peu en fin d aprem... Ma démarche du jour est évidemment dans le but de réduire l’empreinte carbone du monde surfistique, tu l auras compris... rien à voir avec la flemme de tout charger faire la route pour devoir faire demi tour une fois sur place :-)))
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U
J'ai surfé ce midi. J'ai trouvé qu'un seul coin qui marchotait à peu près et c'était pas fameux. Je suis sorti lorsque ça a cessé de fonctionner.<br /> Mon collègue n'a même pas enfilé sa combi donc...
G
Take The Power Back :-)
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U
And happy new year!