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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Sex appeal

La guérite, 12h15.

Et c'est parti pour la deuxième session inespérée de la semaine. Si mon emploi du temps me l'avait permis, j'aurais préféré tenter les nocturnes à port-blanc, mais la marée étant ce qu'elle est sur mes heures de pause, me revoilà sur les grandes plages pour jouer un match retour empli d'optimisme dans des vagues un poil plus petites mais toujours aussi propres que la veille.

La pluie en moins, le spot est beaucoup plus chargé. Les méduses ont cédé la place à des surfistes de tout poil et tout le monde entend prendre sa part du gâteau. Loin d'être affamé, je n'en ai pas moins l'intention de tirer mon épingle du jeu. Avec le collègue qui me tient compagnie, nous nous plaçons un peu à l'écart sur un peak pas dégueulasse et un peu moins peuplé que la moyenne.

La première série se fait tellement attendre que l'espace d'un instant, je commence à penser que la fête est finie. Heureusement, au bout de quelques longues minutes, une crête se profile à l'horizon. Nous sommes plusieurs à avoir repéré le morceau et ça commence déjà à ramer dans tous les sens. La mer bouillonne comme une marmite de nouilles mais j'ai la chance d'être le mieux placé. Autour de moi, je repère quelques longboards en mousse trop au large pour négocier cette pente et une jeune femme en shortboard épaisse comme un cure dent, placée plus bas et plus loin que moi du peak. Bref, rien qui ne soit susceptible de remettre ma priorité en question.

Avec mon Evo, je n'ai pas d'autre choix que d'être explosif pour déclencher un planning, alors je donne tout ce que j'ai. En quatre moulinets à peine, je sens la glisse tant convoitée prendre forme, ma planche décolle, sa vitesse augmente de manière exponentielle. Quelques instants plus tard, mon rail mord la vague tandis que mes jambes se tendent, les dérives transforment cette poussée en accélération et je m'élance pleine balle à la poursuite de la section...

...Avant de freiner en catastrophe pour éviter la jeune femme qui me fait un take-off juste sous le nez. "Heuuuu, elle est déjà prise cette vague, madame..." Sans même jeter un regard dans ma direction, l'incongrue s'était mise à ramer, profitant de son poids plume pour lancer son shortboard avec la même facilité que si c'était un malibu, avant de sauter sur ses pieds comme si je n'avais jamais existé, comme si je n'étais pas déjà en train de dérouler cette vague et comme si je n'étais pas sur le point de la couper en rondelles avec mes dérives. Mes vociférations n'y changent rien, elle est soit sourde, soit trop enivrée par la glisse pour me prêter la moindre attention. Dans l'espoir de la voir dégager le passage, je reste collé à ses basques, surfant à moins d'un mètre de son tail, déroulant impuissant la section brisée par les multiples virages qu'elle enchaîne avec une maîtrise certaine.

Sa vague terminée, elle s'en retourne avec grâce en direction du peak sans me calculer. Bah, ça arrive à tout le monde, inutile d'en faire un flan. Je repère néanmoins sa combinaison multicolore en cas d'une éventuelle récidive avant de retourner moi-même me placer au large. Quelques minutes plus tard, une nouvelle série se pointe. Les plus affamés se jettent sur la première vague, libérant un espace considérable au line-up. Profitant de l'ouverture, je me place idéalement pour la vague qui se présente à sa suite, une gauche un poil plus puissante que la moyenne. Je m'engage sans la moindre difficulté et commence à slalomer le long de ma rampe lorsque, quelques mètres devant moi, je repère une combinaison multicolore en train de ramer!

Et rebelote, la jeune femme prend évidemment soin de ne pas jeter le moindre regard dans ma direction sous peine d'être obligée de reconnaître qu'elle n'a rien à foutre là. Son gabarit lui permet évidemment d'accrocher l'épaule un peu molle et de se lever juste avant que je ne la percute pour, une fois de plus, me saper la section à grands renfort de virages engagés. De dépit, je n'essaie même pas de la suivre et me contente de terminer ma course dans la mousse laissée par ses thrusters. Bon, deux fois de rang, ça frise la préméditation. Mais dans le doute, je ravale ma frustration et m'en retourne me placer derechef, inutile de faire un scandale pour une paire de vagues.

D'ailleurs, une droite et trois virages plus tard, je n'y pense déjà plus. Depuis que nous sommes arrivés, les séries semblent se caler et les opportunités de glisse se multiplient. Au passage, le collègue m'offre le spectacle d'une paire de vagues pas vilaines et je ne désespère pas pour ma part de trouver enfin la gauche qui marquera cette session. D'ailleurs, je repère rapidement un petit bout en approche qui promet d'être intéressant. Le hasard voulant que je sois une fois de plus parfaitement placé, j'attaque mon premier bottom avec le sentiment que cette fois c'est la bonne...

...Lorsque, surgissant sur ma route, je vois apparaître la combinaison multicolore de l'effroi. Encore une fois, son occupante s'engage au mépris des règles les plus élémentaires de priorité et de sécurité. Après tout, "jamais deux sans trois" comme on dit. Sauf que cette fois, il est hors que question que je fasse profil bas. "Hey, trois fois de rang, ça commence à bien faire" lance-je d'une voix puissante et peut-être aussi empreinte d'un soupçon d'exaspération. Pour toute réponse, la coupable se retourne sans exprimer la moindre surprise et m'adresse un sourire ambigu avant de sortir par l'épaule.

Ma vague terminée, je procède à une nécessaire analyse des évènements: l'absence de surprise souligne de toute évidence le fait que la situation, tout autant que son caractère récurrent, n'était pas le fruit du hasard. Quand au sourire ambigu, les circonstances me poussent à l'interpréter comme un "au moins j'aurais essayé!". Tout porte à croire qu'il y a donc eu volonté manifeste de me taxer. Mais pourquoi? Au cours des minutes qui suivent, je surveille les faits et gestes de ma harceleuse qui ne récidive sur aucun autre surfiste. Je suis la seule et unique proie de cette prédatrice assumée. Frappé par un éclair de lucidité, je saisis enfin le sens de cette situation: elle est tout simplement folle de moi. Mon sex-appeal a encore frappé!

Fort de cet éclairage nouveau, je file vers le sud chercher quelques droites le temps de laisser retomber la tension sexuelle qui s'est manifestement installée sur mon peak. Je me sentirais en effet coupable d'être à l'origine d'un malencontreux carambolage, fût-ce par l'action passive de mon irrépressible charme sauvage.

Après une bonne poignée de séries, j'estime que la situation est revenue au calme et qu'il est raisonnable de tenter un come-back sur ma gauche de prédilection. Mais ce délai s'avère rapidement ne pas avoir été suffisant pour réfréner les ardeurs de la combinaison multicolore. Sans grande surprise, je retrouve une fois de plus sur mon chemin celle qui à présent ne prend même plus la peine de faire semblant de ne pas m'avoir vu. Pour la quatrième fois consécutive et avec une arrogance frisant avec l'indécence, celle-ci se met à ramer puis à se lever sur la vague que j'ai pourtant commencé à dérouler depuis plusieurs secondes déjà. Malheureusement pour elle, n'étant pas en recherche active de partenaire sexuelle, mon envie de surfer prend cette fois le dessus sur ma retenue légendaire. Dans un geste indigne d'un gentleman, j'oblique vers elle la trajectoire de ma planche (lestée d'un quintal de viande, d'os et de néoprène) en une charge menaçante que même Ronflex avec son attaque "Coud'boule" il fait moins peur. Dans un mélange de réalisme et de terreur, madame fluo se place in-extrémis hors de ma portée, avant de fuir vers le parking à la faveur d'un train de mousse providentiel. Cet impondérable réglé, je peux désormais reprendre le cours de mes activités.

De retour au peak à côté du collègue, nous discutons une poignée de minutes en attendant la série suivante. A l'approche de ce qui se présente comme notre porte de sortie (vous savez, la "dernière vague" que l'on attend des heures et qui n'arrive pas parce que les autres n'étaient jamais assez bien), nous repérons un type louche avec une casquette et une planche vert fluo qui semble vouloir venir se placer à l'inside. Difficile d'être mieux positionné que nous pour cette pente, mais l'énergumène s'acharne à nous prouver le contraire en faisant un snake de maître pour se coller en prio à quelques centimètres de mon pote, et une seconde à peine avant que la vague ne déferle. Le braquage est épique, scandaleux, gigantesque, superlatif et superfétatoire! Nous pensons à la même chose: "rien à foutre, on le droppe", mais je suis tellement scotché par l'insolence du mec que j'en oublie carrément de ramer, pendant que mon acolyte cède à la pression et fait passer la survie de sa planche avant son amour propre.

Son méfait accompli, le type remonte direct dans le parking.
"Tiens, on dirait qu'il a eu son compte...
- En même temps, si j'avais eu cette dernière vague, je serais sorti direct aussi."

Mais la vérité, nous la connaissons tous les deux: encore une victime de mon sex-appeal qui venait de comprendre que son désir était sans espoir. Alors à quoi bon insister?

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S
Quelle idée de taxer en combar multicolore aussi !!
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U
Jusqu'ici, les pires récidives que j'ai subi en termes de taxe l'ont toujours été par des gens au look assumé: Combi bariolée, casquette de hip-hop ou encore (le top) chasuble "surfeur malvoyant"...<br /> <br /> ...Ou bien est-ce justement parce qu'ils sont facilement repérables qu'on se rend compte qu'il y a récidive de leur part, là où les autres font pareil sans se faire remarquer???
S
Tu vois, je t'avais dit, pas le surf. T'as jamais vu quelqu'un refuser une prio après avoir lancé un "tribord" ou "au lof" tonitruant !<br /> Maintenant pour ce qui est du "sexe à pile", je suis pas étonné beau gosse ! T'as même encore tous tes cheveux, salaud...
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U
Ouais mais ça c'était il y a 20 ans. Même les feuneux sont mal polis de nos jours :-D
C
Beau florilège de comportements de merde, le soleil aide beaucoup j'ai l'impression.<br /> Tu as eu beaucoup de patience.<br /> Le coup du mec (plus mec généralement) qui fait de la merde avant de partir , je l'ai souvent eu aussi celle là, comme ci "c'est la dernière donc je fait ce que je veux, je suis un putain d’égoïste".<br /> C'est clair que parfois on pense plus à preserver ça planche, voir même ça santé.<br /> Mais se genre d’événement ruine une session dans mon cas, le bonheur laisse place à l'énervement.
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U
Bah, il suffit de lui crever les pneus dans le parking et tout est oublié!
A
:-))))<br /> Tu dois être vraiment trop sexy en combi mdrrrr<br /> Perso après avoir conseillé à mes potes d’aller faire un tour hier soir et d’avoir reçu des textos très énervants au boulot toute la soirée, j’ai saisi mon seul créneau de la journée pour aller faire un tour du côté des plages ... Et étonnamment j’étais tout seul sur mon peak :-) enfin non on était deux mais entre deux discussions très sympas pour faire passer le temps entre les séries on s’est cordialement partagé les vagues.... Ça n’a, malgré tout, pas empêché de garder une petite frustration pour la session d’hier soir .... mais je me dis que c’est un juste retour pour toutes les fois où je me suis fait de bonnes sess cet hiver et les innocents débrief par texto à tous mes potes au boulot ;-) De toute façon c’était quand même beaucoup plus dingue il y a quelques mois ... (on se console comme on peu :-)
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U
C'est juin. C'est le karma. C'est la vie!
G
Quel sport de cons
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A
Sûrement... mais c’est quand même très fun :-) <br /> Tu devrais essayer ... tu ne serais pas perdu ;-)<br /> (Bon ok j’arrête on ne va pas recréer un bzhecume ici :-)