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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Et de deux!

Spot-toujours-aussi-secret, 19h.

Nous y voilà! Je suis fin prêt pour ma deuxième session de la journée et les vagues sont au rendez-vous, comme promis. Pour l'instant on a une hauteur de hanche dans les séries, mais une nouvelle rentrée de houle est prévue dans le courant de la soirée. Pour moi, l'objectif est clair: surfer jusqu'à ce que je ne voie plus le nose de ma planche dans l'obscurité.

Cette session promet d'être d'autant plus sympathique que j'attends pas moins de trois potes, ceux-là même avec lesquels j'ai tant de plaisir à "partager" mes vagues (en d'autres termes: à les taxer comme un porc et/ou partir à plusieurs sur la vague). Nous nous échauffons les esprits par SMS depuis 24h, et je sais qu'ils ont hâte d'en découdre. L'un deux n'a pas accès à ses planches cette semaine, nous nous sommes entendus pour qu'il se serve dans mon magasin ambulant. Un autre n'est pas surfeur du tout, il empruntera le matos du dernier. Et comme chacun arrive avec son propre véhicule à une heure différente, nous avons dû organiser une logistique digne des plus grands événements estivaux.

Étant le premier sur les lieux, et afin d'être sûr que mes amis me retrouvent (bien que cela ne devrait pas poser de problème particulier vu la faible fréquentation de ce spot que, décidément, j'aime de plus en plus), je sors la tenue des grands jours: boardshort rouge, lycra jaune poussin et bonnet de bain licorne rose fluo. En plus de la poignée de surfeurs encore à l'eau, il reste quelques plagistes en train profiter de la fraîcheur relative de cette fin d'après midi. Pour ne pas choquer le plus jeune public, je décide de descendre la plage avec le bonnet de bain dans la poche et de ne l'enfiler qu'une fois au large. D'aucuns prétendront que je n'assume pas le ridicule, mais c'est mal me connaître. D'ailleurs, le simple fait que je surfe sur des spots ouverts à tous indique clairement que je n'ai pas peur d'avoir l'air publiquement idiot.

Comme je l'avais espéré toute la journée, les conditions sont vraiment chouettes. Un poil juste niveau puissance pour ma Cymatic, mais les vagues sont glassy et déferlent avec régularité. Je me régale dès les premiers instants. Le seul souci avec les "deuxième session de la journée", c'est qu'il y en a eu une première pour la précéder. En l'occurrence, j'avais pris le temps ce matin de me faire brasser pendant deux heures consécutives dans un chantier digne d'un début de dépression, et mon corps en garde encore quelques séquelles faute d'avoir pu profiter d'une bonne nuit de sommeil réparateur. Dès les premières glisses, je sens que mes épaules sont raides, que mos dos et mon cou manquent de souplesse, que mes take-off sont moins explosifs. "Bordel, c'est pas le moment" lance-je pour m'encourager, avant de dérouler une petite frontside bien agréable.

C'est le moment que choisit mon premier copain pour arriver, celui la même a qui je dois prêter une planche. Le soleil est déjà bas au dessus de la mer. A cause du contre-jour, il ne semble pas me voir malgré mon appareil vestimentaire extra-ordinaire. De mon côté au contraire, j'ai la certitude qu'il s'agit de lui depuis la seconde même où j'ai deviné sa silhouette se dessiner à la sortie du parking. Sans savoir expliquer pourquoi car je ne distinguais ni ses vêtements, ni son visage, ni ses cheveux... Et pourtant, ce petit point flou et lointain m'était instinctivement familier. Quelque chose dans sa façon de se déplacer, de se tenir peut-être? Je ne saurai le dire, mais en tout cas je suis sûr que c'est lui. Je monte sur la première vague qui passe à ma portée et file à sa rencontre.

"Dis donc, monsieur le grand reporter, quand on parle de moi dans son article on évite de raconter des mensonges! L'autre matin quand j'ai pêché pendant que vous surfiez, j'étais loin d'être brocouille puisque j'ai attrapé deux bars. J'ai simplement décidé de les relâcher." Je lui promets de penser à publier un correctif. Il ne s'agirait pas que mes lecteurs pensent à tort qu'un mec qu'ils ne connaissent pas n'est pas foutu d'attraper un poisson. J'évite également de lui demander quel est l'intérêt d'aller à la pêche si c'est pour relâcher les poissons. Je sais que ce serait tendre la perche pour me faire asséner une sempiternelle et inévitable leçon de pêche et, franchement, qui est-ce que ça intéresse d'entendre parler de gaule et de morue pendant une heure. Hein? Qui? (Bon, ok. Jackie et Michel peut-être...) Enfin bref, moi ce que j'en dis c'est que si c'est pour les laisser filer avec une balafre à la place de la bouche, on aurait aussi vite fait de tout simplement leur foutre la paix à ces innocentes poiscailles. Je dis ça, je ne dis rien.

Bref, nous voilà au cul du quivermobile devant l'étalage de mes articles en solde. Doté d'un gabarit similaire au mien, il jette son dévolu sur le knacki-ball. Je ne peux que souligner la justesse de son choix, tant d'un point de vue technique (prise de vague garantie dans ces conditions un poil limites) que sécuritaire (pas ou peu de risque de casse et donc d'embrouille avec son pote). De mon côté, je range la Cymatic et déballe l'Evo histoire d'assurer un max de vagues. Pendant que nous causons chiffon et qu'il enfile sa combi, je vois débouler une nouvelle bouille de surfeur familière: Un pote qui n'a rien à voir avec la bande du jour, mais que j'ai toujours plaisir à croiser sur les spots au hasard de nos sessions communes. Avec sa barbe et ses cheveux longs qui tombent devant ses yeux perçants, on dirait Vigo Mortensen dans le rôle d'Aragorn, à la seule différence que le roi légitime du Gondor pèse environ trente kilos de plus.

L'arrivée de Minivigo redouble mon enthousiasme. J'imagine déjà cette belle brochette de copains en train de glisser sur leurs vagues respectives dans une ambiance de franche camaraderie. Alors que le cercle de la conversation s'est élargi pour accueillir le nouvel arrivant, le troisième de mes rencards gare sa bagnole à côté du camion. L'équipe est presque au complet et je n'attends pas d'avantage pour me remettre à l'eau, en compagnie du locataire de mon knacki-ball, et suivi quelques minutes plus tard par les deux autres larrons.

Nous surfons à présent à trois en formation serrée, pendant que Vigo glisse un poil à l'écart. Il n'a pas tort de rester prudent: notre trio de baltringues s'est fait une spécialité des carambolages à la sauce rigolade. Grâce à mon changement de flotteur, j'accroche d'avantage de vagues et remplis rapidement la jauge à gavage. Par ailleurs, les conditions sont clairement en train de se renforcer: les vagues sont de plus en plus grosses et une petite barre taquine pointe le bout de son nez. Entre deux vagues, mon instinct me dicte de regarder en direction du parking, et une fois encore je reconnais notre dernier pote en approche avant même d'avoir pu distinguer clairement sa silhouette. Que ça soit l’œil de l'aigle ou l'intuition de madame Irma, aujourd'hui j'ai décidément le chic pour reconnaître mes amis de loin!

J'informe Celui-qui-bosse-en-slip de l'arrivée du copain à qui il est chargé de prêter un déguisement de surfiste et une planche d'initiation. Ce dernier part à sa rencontre. Quelques minutes plus tard, les deux loustics sont de retour et nous rejoignent, moi et Celui-qui-a-le-knacki-ball, sur le peak... Ou plutôt essaient de nous rejoindre. Car si Celui-qui-bosse-en-slip n'a aucun problème pour passer la barounette qui se forme à présent en dessous de la zone d'impact, Celui-qui-ne-sait-pas-surfer stagne dans les eaux blanches. Difficile de lui reprocher quoi que ce soit: nous l'avons tous plus ou moins lâché sans instruction, comme des sales, pour aller nous gaver des séries qui rentrent coup sur coup, et dont certaines dépassent à présent allègrement le mètre vingt. De temps en temps, l'un de nous éprouve plus de pitié que les autres (ou termine par hasard une vague dans son voisinage immédiat) et entreprend de lui jeter un ou deux conseils au visage, comme on balance des pièces de deux centimes à un clodo juste pour se donner bonne conscience mais sans que ça ne nous coûte un véritable effort. Notre générosité n'est pas belle à voir.

Commettant avec une régularité exemplaire l'intégralité des erreurs qu'il faut à tout prix éviter de faire dans ce genre de conditions, le pauvre ami se fait lessiver au milieu de la reforme. Faute d'avoir été informé que c'était le seul endroit où il ne fallait surtout pas s'arrêter de ramer, il se "repose" en plein milieu des trains d'écume au lieu de, au choix, aller s'abriter au bord ou mettre un bon coup de collier pour enfin passer. Je ne peux qu'admirer la pugnacité, le courage, l'abnégation, que dis-je... le SENS DU SACRIFICE exhibé par cet homme qui se fait brasser de long en large sous nos yeux. Mais son sacrifice, justement, n'est pas vain! Car à force de se faire chahuter à proximité des lignes des pêcheurs installés juste en face de nous, il réussit à les faire fuir un peu plus loin, libérant pour ses amis ingrats un espace de glisse supplémentaire. Comme le dit l'adage, à quelque chose malheur est bon.

Incapable de supporter d'avantage la vision d'un homme ainsi torturé par l'écume, je décide d'ignorer durablement son existence pour mieux m'occuper de mes vagues. Or, une vague justement, en voilà une belle qui arrive tout droit sur notre trio. J'entends une voix lancer "J'annonce: pas de règles!". Je me retourne: Celui-qui-a-le-knacki-ball vient de clarifier ses intentions. En même temps, il aurait tort de se priver: il se risque pas d'abîmer son propre matos! Nous nous mettons donc à ramer à trois sur la pente qui ouvre à gauche de façon ostentatoire. A ma droite, Celui-qui-bosse-en-slip part en priorité. Celui-qui-a-le-knacki-ball et moi lui posons conjointement un drop tellement violent qu'il n'a d'autre choix que de s'éjecter pour ne pas mourir sous le choc. Idéalement placés, les deux survivants, dont je fais donc partie, commencent alors à dérouler cette vague carrément parfaite (pour un mois de juillet). Je suis à l'inside, poursuivi par la section, et bloqué par une planche en mousse que je sais moins rapide que la mienne. Nos rails sont à touche-touche. Conscient que le risque de casse est minime sinon nul, je tente un dépassement pas le dessous. Mon pote, qui me fait face car surfant regular, interprète mon geste comme une invitation à la valse et tend les bras en obliquant dans ma direction, pour me saisir les mains. D'une pichenette, je renvoie ma planche sur le haut de la section pour profiter de l'ouverture et passer dans son dos. Mais la vague n'est pas assez large et il n'y a pas de place pour le dépasser. Résigné, je glisse à présent à ses côtés, sur une pente qui n'en finit pas de déferler et nous ramène carrément jusqu'à la plage. Au moment de nous enfoncer dans l'écume, nos regards respectifs pétillent d'une joie infantile, fruit du bonheur simple d'avoir partagé un moment d'exception.

A l'issue de cette réussite, nous partons nous replacer avec un peu trop d'enthousiasme, espérant sans doute capter une fat mama venue de loin. Mais notre positionnement maladroit nous vaut de regarder passer quelques belles séries assis sur notre planche, et de nous faire enfermer par les autres. Pendant ce temps, Vigo s'éclate dans la reforme, enchaînant vague sur vague sans jamais s'arrêter (et se servant accessoirement de nous comme repère pour marquer la zone à éviter). Celui-qui-bosse-en-slip l'imite bientôt, et en le voyant se lever beaucoup plus souvent que moi, je ne tarde pas à le suivre. Une décision que je n'aurai pas à regretter puisque, dans les minutes qui suivent, je profite des deux plus belles vagues de cette session: Une droite assez creuse qui me permet d'appuyer quelques "rollers-fsch-fsch" (bruit de la gerbe d'eau), suivie de peu par une gauche généreuse offrant ses flancs nus à mes dérives en une longue danse effrénée.

Mon knacki ball me rejoint vite, nous nous offrons à nouveau une longue vague à deux, mains dans les mains. Au moment où, monté trop haut sur la section, mon partenaire se fait malencontreusement sortir, celui-ci a la gentillesse de me faire profiter d'un "effet fronde" pour me relancer dans la pente. Le doublant en un long bottom, je termine cette vague du mieux que je peux, afin d'honorer l'offrande comme il se doit.

Les conditions se sont encore renforcées, et ma Cymatic me manque à présent. Je décide donc de retourner au parking pour opérer un dernier changement avant la fin du temps réglementaire. En chemin, je me prends les pieds dans une ligne de pêche posée par un innocent que Celui-qui-ne-sait-pas-surfer n'avait pas réussi à faire fuir. Pris de panique, le mec se met à rembobiner comme si sa vie en dépendait. En une fraction de seconde, j'imagine ce que je vais ressentir quand ma cheville déjà entaillée par le fil qui est en train de la scier va bouffer l'hameçon lancé à grande vitesse dans sa direction. D'un geste instinctif, je saisis le fil et le fait passer par dessus ma tête. L'incident est clos mais l'importun n'en décide pas pour autant d'aller foutre son piège à surfeur plus loin. Je note mentalement de me méfier de lui à mon retour.

De retour avec ma Cym, j'ai le temps de prendre une poignée de vagues avant de voir Celui-qui-ne-sait-pas-surfer sortir de l'eau. Ce n'est pas de le voir jeter l'éponge qui me surprend, c'est au contraire de constater qu'il y était encore! Une bonne heure et demie à se faire rincer les sinus, à encaisser des gifles liquides et bouffer de la mousse sans broncher... Ce mec n'est pas humain. Celui-qui-a-le-knacki-ball le suit de près, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il doit certainement éprouver une pointe de frustration à l'idée de ne pas avoir pu surfer sa propre planche. En arrivant à mon tour à proximité de la plage, je constate que Celui-qui-bosse-en-slip est toujours au large. Par pur sens du sacrifice, je décide d'y retourner pour le prévenir que nous sommes en route pour l'apéro. Une fois au peak, je constate qu'il n'y est plus. Voyant à son tour que j'y suis, le brave homme décide évidemment de venir m'informer de sa sortie.

Nous nous recroisons encore quelques paires de fois, trouvant systématiquement un prétexte pour y retourner: "Tu avais l'air en difficulté, je suis venu t'aider", "C'est quoi déjà le code de mon antivol?", "Tu as pensé à couper le gaz?"... Jusqu'à ce que mon copain trouve la force de briser le cycle, décrochant le leash de sa cheville à l'issue de sa vraie dernière vague. De mon côté, je vois toujours le nose de ma board dans l'obscurité, mais j'estime néanmoins que le cahier des charges de la session est satisfait, je peux sortir sans aucun regret.

Il est environ 22h30 lorsque nous déballons une petite collation sur le parking. Chacun a ramené des produits qu'il s'empresse à faire goûter aux autres. J'ai pour ma part ouvert une bouteille d'Islay tourbé à souhait que j'ai plaisir à partager avec un connaisseur. Les plaisanteries fusent, le débrief se fait dans la bonne humeur, nous partageons ces souvenirs que nous ne sommes pas prêts d'oublier.

Il fait franchement nuit quand Vigo remonte à sa voiture, je lui donne rendez-vous pour le match retour demain matin aux aurores. Je n'ose en revanche pas compter sur mes potes qui se mettent en route pour finir la soirée chez l'un d'eux. Je suis évidemment convié, mais la décision est difficile: j'avais prévu de dormir dans mon camtar pour être sur place et économiser un voyage. Toutefois, la promesse d'une soirée entre amis et d'un vrai lit l'emporte, et je décolle finalement pour l'adresse située à une vingtaine de kilomètres.

"T'inquiète, c'est juste une soirée cool. On mange une pizza et on se couche tôt. Tu seras de retour demain matin frais comme un gardon..."

(A suivre...)

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D
j'accroche d'avantage de vagues et remplis rapidement la jauge à gavage. MDR<br /> <br /> Idem, hier soir à la guitoune, super pour un mois de juillet.<br /> J'ai encore les épaules endolories aussi.
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