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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Qu'est-ce que je fous là?

Les crevettes, 12h30.

Je savais en y allant que ça ne serait pas fameux. Les prévisions météo n'étaient franchement pas encourageantes: fort vent de sud-sud-ouest, houle chaotique... Mais j'avais pourtant fait la route. Face à la mer, le bilan est sans appel et je me pose cette question "qu'est-ce que je fous là?".

Histoire de donner le ton, un planchiste rejoint le parking avec sa voile pliée en deux: le mat a cassé à mi-hauteur. Il faut dire que ça bastonne sévère et, à défaut d'être pentus, les paquets de flotte qui s'écroulent au large ont l'air d'envoyer du lourd. Évidemment, pas le moindre surfeur à l'eau. Des kiteux, des feneux, ça oui! Et ils s'en donnent à coeur joie les coquins. Mais des masochistes rameurs, non. Bordel, mais qu'est-ce que je fous là?

Mu par une force indicible j'enfile malgré tout ma combi. En fin gourmet coprophage, je me délecte à l'avance du buffet à volonté de merde fraiche qui s'offre à moi. "Ai-je déjà surfé pire?" Pour une fois je pense que non. "Vais-je m'amuser?" C'est peu probable. "Alors pourquoi?" Parce que j'ai pas fait la route pour rien! Prévoyant, je suis monté gros: exit les 5'10", je sors l'hydrofish! 7' pour 50 litres, l'arme absolue dans le mou. Je sais d'avance que la barre ne va pas être une partie de rigolade avec tout ce volume, mais il faut ce qu'il faut.

La mise à l'eau est hésitante. La mer déchaînée à creusé de véritables tranchées dans le sable et à chaque pas dans l'eau trouble je manque de tomber dans un fossé invisible. Rapidement j'opte pour une progression à la rame, les lignes de mousse s'enchaînent sur plusieurs centaines de mètres mais elles n'ont pas l'air trop puissantes, je devrais passer sans trop de problèmes...

...Une demi heure plus tard, je suis enfin passé. Autour de moi, les glisseurs ventilo-tractés se moquent de la barre et profitent de leur motricité pour s'engager dans les pentes comme des tow-in surfers. A cet instant précis, je suis prêt à donner un rein pour une voile... ou un jet-ski. Les vagues sont énormes et dégueulasses, je sais déjà que je vais devoir souffrir pour en prendre une. Comment les décrire... Elles sont rondes comme le cul de Shakira, mousseuses comme la bouche d'un adolescent mâle pubère devant le cul de Shakira, et bordéliques comme la chambre (pleine de posters de Shakira) du susdit adolescent. Rapidement, je renonce à toute velléité de placement pour me poser juste là en attendant la pente providentielle. Trop molles pour me lancer de loin, se brisant de façon imprévisible et violente, le créneau pour un take-off réussi est très mince. A plusieurs reprises, je rate une vague tout en manquant de peu de me faire aspirer par son train de mousse. Je me sens comme une version miniaturisée de Karim Braire à Nazaré. Bon sang, mais qu'est-ce que je fous là?

Ça fait une bonne heure que je suis dans le bouillon, toujours pas la moindre glisse. Un kite me passe à côté en m'adressant un signe de la main. Je ne sais pas trop s'il me félicite d'avoir franchi cette barre immonde, s'il me félicite d'avoir été assez con pour me mettre à l'eau ou s'il se fout simplement de ma gueule. Dans tous les cas, je ne peux rien lui reprocher: ce n'est que justice. D'ailleurs, j'ai comme le sentiment que les feneux se sont passés le mot. Chacun à leur tour, ils viennent empanner dans ma zone, sans doute pour voir de leurs yeux le seul abruti de la côte assez vaniteux pour croire qu'il peut affronter les éléments à la seule force de ses bras.

Mais mon obstination est finalement récompensée. En vertu de la première loi de la surfodynamique: le "théorème de répartition aléatoire des vagues en milieu probabiliste"™, une pente exploitable se présente enfin à moi. En quelques coups de rame, je lance ma péniche à une vitesse suffisante pour attaquer la descente backside. Avant de me péter dessus, celle-ci se creuse significativement, je me félicite intérieurement d'avoir changé mes dérives pour un montage quad, j'ai ce qu'il faut d'accroche et de vitesse pour prolonger la glisse de quelque secondes. Cela ne suffira toutefois pas à échapper à la pelleteuse blanche qui me ramasse finalement en bonne et due forme.

Grisé par cette expérience, et en vertu de la seconde loi de la surfodynamique: le "corollaire du jamais deux sans trois"™, je capte presque immédiatement une deuxième vague, frontside celle-là, qui se paye le luxe d'une reforme juste après que j'aie bouclé mon premier cut-back. A la fois par gourmandise et de peur que cela ne se reproduise pas, je commets l'irréparable: je prolonge cette vague jusqu'au point de non retour, de l'autre côté de la barre. "Bah, je l'ai passé une fois, je peux bien la passer une deuxième" me dis-je dans un accès de confiance...

...Une demi heure plus tard, je dois me rendre à l'évidence: on ne peut plus vraiment parler de "barre" à ce stade. 800m de mousse discontinue alimentée toutes les 4 secondes par une nouvelle livraison d'écume. Malgré mes efforts désespérés, je n'ai pas bougé d'un poil. Peut-être même que j'ai reculé. Avant de jeter l'éponge, je me pose une dernière fois cette question "Putain, mais qu'est-ce que je vous là?".

De retour dans la chaleur de mon habitacle, je médite ces derniers mots. Ce que j'étais venu faire là? C'est pourtant simple! Chercher un nouvel article pour mon blog.

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D
Salut,<br /> A défaut de surfer, j'ai pêcher en mode urbain "street fishing".<br /> Avec tout mon matos, je devais ressembler à un cosmonaute pour tout les automobilistes qui m'ont croisé.<br /> La dépression a calé tout les poissons, bredouille assuré, je le sais...<br /> Alors oui qu'est qu'on fou là !
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A
Ta conclusion s’est exactement ce que je me suis dit en lisant juste le titre de ton nouveau billet... ma première réaction a été ... Non, c’est pas possible qu’il est un instant pensé prendre du plaisir aujourd’hui (et 2 lignes en dessous) et en plus à cet endroit !! ... mais c est parfait pour le blog... et finalement d’avoir pris deux vagues ce n est même pas de la loose dans ces conditions ...
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U
Rien n'est perdu, j'y retourne ce midi... Mais sans doute sur un repli secret cette fois ;-)
A
Il semblerait que tu aies rater un truc quand même ... Ça avait l’air encore mieux qu’hier ce matin : https://m.facebook.com/groups/1441431776093004?view=permalink&id=2251604821742358&anchor_composer=false
A
Oui ou plutôt ta conclusion, c’est .....
U
Il faut souffrir pour étre bloggeur :-D