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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Grandes espérances

"Qu'est-ce que tu lis?
- Grandes espérances.
- Et alors?
- C'est pas ce que j'espérais."

Topper Harley, Hot Shots! Part II

Ça claque un max de commencer un article par une citation extraite d'une oeuvre majeure du septième art, vous ne trouvez pas?

Toujours est-il qu'aujourd'hui, j'ai pêché mon père. Pêché par excès de Hype. Pratiquement une semaine que je voyais ce créneau se profiler à l'horizon. J'avais laissé monter l'excitation de façon incontrôlée, et cela malgré des reports mitigés envoyés le matin même par de généreux confrères. Pour la première fois depuis deux semaines, le vent tombait. Pétole. Nada. Rien. Ou alors si, un très léger sud-est, pile entre midi et deux. 1m20 de houle sur météo-consult. Marée montante. Un alignement des astres qui n'arrive qu'une fois dans la vie d'un cochon d'Inde. Je m'imaginais déjà glissant sur des rampes sans fin, parfaitement glassy...

11h40, je ne tiens plus en place. Incapable de produire une quelconque valeur ajoutée pour mon entreprise, je décide de mettre un terme à cette attente stérile pour prendre la route des grandes plages. "Je n'aurai qu'à rentrer un peu plus tôt pour compenser" me mens-je effrontément en verrouillant la porte du bureau.

Une demi heure et six infractions au code de la route plus tard, ma voiture est garée à la guérite. Je gravis la dune, fébrile, pour le check traditionnel. Mais avant même de voir l'océan, je réalise que quelque chose cloche. Le bruit des vagues n'est pas celui que j'attendais, ça pue le chantier. "Une barre infinie" m'avait-on décrit quelques minutes plus tôt. Mais je nourris à ce stade encore l'espoir que les choses se soient calées avant mon arrivée.

A l'instant où mon regard embrasse enfin l'horizon, quelque chose se brise en moi. C'est très loin d'être les pires conditions de la semaine, c'est clair, mais c'est aussi très loin de l'idée que je m'étais faite de cette session. Cinq à six lignes de mousses rapprochées avant d'atteindre la zone d'impact, de gros paquets mous qui n'ouvrent pas. Bref, une session moyenne à fort potentiel de loose. Par chance, mon collègue est allé checker plus loin, à l'isthme. Après un bref échange de SMS, je remets le contact pour le rejoindre: d'après lui, là bas, ça a l'air un tout petit peu plus propre et surtout il n'y a pas de barre.

En traversant Penthièvre au volant de mon coupé sport break, j'énumère toutes les raisons valables de garder le moral. Mais je sais que le processus biochimique est déjà enclenché, mon hypothalamus diffuse depuis mon départ de la guérite des cargaisons de loosine (l'hormone de la loose) dans tout mon corps. Dans quelques minutes, je ne serai plus que l'ombre de celui qui fait trembler les légendes locales par son ascension fulgurante. Le moral à présent dans les chaussettes, je contemple ma propre déception, d'autant plus profonde que mes attentes étaient fortes.

Mon collègue n'a pas menti: pas de barre et quelques beaux morceaux à intervalles réguliers. En ajoutant à l'équation un soleil digne d'un mois de septembre qui rend superflu l'utilisation de la cagoule, des bottillons et du slip chauffant, cette session promet même carrément d'être agréable. Mais, piégé sous l'emprise de la molécule infernale, je n'arrive pas à savourer ce moment. Mon intellect me dit pourtant de ne pas baisser les bras, de continuer à y croire. La lutte entre la chimie hormonale et la chimie cérébrale commence, une lutte dans laquelle mon cerveau va avoir besoin d'alliés.

Si le choix de la Cymatic n'était sans doute pas idéal au regard de la relative mollesse des séries, le facteur psychologique lié au satisfecit de sortir ma plus belle planche m'aide déjà à remonter la pente. Tout autant que l'aisance procurée par cette board au cours des rares canards qui me seront nécessaires pour rejoindre ce qui ressemble à un peak, bien que rien ne soit encore parfaitement calé.

La première vague est cruciale. C'est elle qui fera basculer ma psyché dans la potentialité d'euphorie ou le désespoir le plus profond. Par chance, je chope d'entrée de jeu un beau morceau frontside qui m'offre un bottom bien puissant avant de rouvrir pour quelques virages plus serrés. Les effets du poison se dissipent doucement.

Malheureusement, la phase de gavage prend presque aussitôt fin et je commence rapidement une longue phase de loosage qui réactive la synthèse hormonale. Une injection supplémentaire de loosine menace à nouveau mon équilibre psychique.

Toujours avec cette irrépressible volonté de lutter contre la déprime, j'enclenche prématurément une belle phase de mendiage au cours de laquelle mon opportunisme est récompensé par de multiples vagues plus ou moins chouettes. Je me fais proprement éjecter par une backside sur laquelle j'ai tenté le snap au mauvais endroit, au mauvais moment. Le vol plané qui s'ensuit allège mon esprit avec une efficacité redoutable. La rage au ventre, je refuse quelques minutes plus tard de me laisser sortir par une gauche un peu molle sur laquelle je terminais juste mon bottom, et réussis à m'engager in-extremis dans la reforme qui m'offre de quoi tricoter un peu. En posant un ultime roller juste avant de me faire enfermer, je sais que je suis tiré d'affaire.

Les effets de l'endorphine neutralisent rapidement l'engourdissement provoqué par la loosine, et je me sens d'attaque pour enfin apprécier cette session à sa juste valeur. Balayant le plan d'eau du regard, je cherche mon collègue pour lui annoncer la bonne nouvelle. Autour de moi, les vagues sont en train de se caler, le plan d'eau se décradossifie doucement. Au bout de quelques secondes, je localise ma cible... Marchant sur la plage en direction du parking. Pas de bol, c'est l'heure de sortir!

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D
Marrant, comme une session tient à rien.
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C
Je savais que j'aurai du bouger la bas , mauvais repli decalage sur stb repassage de barre deguelasse un seul type derrière, grosse vague qui petent de façon aléatoire qui gonflent puis s'applatissent, puis grosse série qui arrive de nul part et t'oblige a canarder des mousses de taille d'homme ... Full loosage pour ma sess. Ca compense la loose de pouvoir lire tes recits.
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U
D'habitude, ça remonte le moral aux gens de voir que mes sessions sont pires que les leurs. Mais si ça marche dans l'autre sens aussi alors tant mieux :-D
A
Grrr je savais qu’il fallait que je colle les bambins à la cantine pour tenter plus loin aussi ce matin... mais manque de temps... comme tu le dis si bien encore pire de savoir qu’il y avait qques vagues à prendre sans avoir pu aller voir!!
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