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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Another one bites the dust

L'isthme, 13h.

Ça y est, j'ai bouclé ma tournée des replis et je n'ai rien trouvé de potable. Malgré la tempête qui sévit depuis plusieurs jours, la houle ne rentre pas et les coins abrités ne captent guère plus de quelques centimètres mous. J'aurais bien une dernière piste, mais il faudrait changer de presqu'île, et le temps d'y arriver il sera déjà trop tard pour se mettre à l'eau.

J'ai donc jeté mon dévolu sur le parking de l'isthme. Ça souffle fort, mais je devine, derrière le rideau de pluie qui tombe à 45°, quelques morceaux presque prenables. Le chien du Beach Bar, un golden crasseux à l'aboiement vaguement amical, vient me sentir le cul pendant que j'enfile ma combi à l'abri de la bagnole. Sa truffe froide collée dans ma raie me fait sursauter, je croise les doigts pour qu'il ne lui vienne pas au cours des prochaines secondes une furieuse envie de bouffer de l'andouillette XXL (c'est comme la 5A, sauf que le jury est composé uniquement de professionnelles). Le vent porte des grains de sable plus ou moins humides arrachés à la plage, et qui viennent se coller entre mes dents chaque fois que ma tête dépasse du toit de la bagnole. Je fredonne une chanson de Queen qui me semble de circonstance: "dum dum dum, another one bites the dust!"

Accompagné de mon nouveau pote poilu, je checke une dernière fois par dessus la route avant de me mettre à l'eau. La barre a l'air prenable, les plus gros morceaux sont bien raides. Je jette mon dévolu sur l'Evo, histoire de me faciliter le canard. Au moment où je sors la planche du coffre, les nuages se dissipent, le soleil perce, le vent se calme et une voix grave et sourde tombe du ciel en disant "Va mon fils, accomplis ton destin. Ainsi soit-il."

Encouragé par ces signes positifs, je me jette à l'eau. Il fait bon comme un mois d'octobre (merci le vent de sud) et je me surprend à espérer y passer un bon moment. Rapidement hélas, je découvre que le tableau n'est pas si idyllique qu'il n'y parait: un fort courant me ramène à la côte et vers le nord. Malgré des efforts considérables, j'ai le plus grand mal à rejoindre le large et à y rester. Chaque vague prise individuellement ne me fait pas trop reculer, mais leur fréquence ajoutée au jus me coûte vingt bonnes minutes de patience avant que je puisse enfin m'asseoir sur mon flotteur pour analyser la situation.

Sans grande surprise, le plan d'eau ressemble à une zone de conflit. Les crêtes des vagues pètent aléatoirement et à peu près n'importe où entre la plage et l'ile Téviec. Inutile de chercher à se placer, la meilleure technique sera manifestement la patience et l'opportunisme. Rapidement, la chance me sourit, j'accroche une vague sans forcer. Départ backside. Dès la fin du bottom, la vague ferme devant moi et décide d'ouvrir par l'autre côté. Changement d'option, je repars frontside après un virage serré bien sympathique. La vague mollit et tente de me faire sortir, mais je m'accroche: à quelques mètres de là, je vois la reforme arriver. Bingo, mon Evo traverse la zone de plat et récupère une section plus creuse. Nouveau changement de cap, la gauche refuse finalement et m'oblige à repartir backside une nouvelle fois. La plage se rapproche dangereusement et je n'ai aucune envie de re-bouffer la barre dans les dents. Je m'échappe juste avant d'être cerné par la mousse.

Quinze minutes plus tard, je suis de nouveau "placé". Pendant que j'attends une nouvelle ouverture, je remarque un camtar garé juste à côté de ma caisse. J'ai du mal à croire que son occupant est venu là attiré par le swell, je ne connais pas beaucoup de merdologues au goût aussi sûr que le mien sur ce bout de côte. Ma bagnole est masquée par la bordure du parking, impossible de voir ce qui se passe là bas. Un doute me gagne: le type est "peut-être" venu visiter ma caisse.

Basculant de façon incontrôlée et immédiate dans un délire paranoïaque complètement irrationnel, je m'imagine déjà en train de faire ma déclaration de vol de papiers, une procédure d'opposition sur mes cartes bancaires, annuler tous mes projets à court terme pour devoir gérer l'usurpation d'identité qui, je le sais maintenant, est imminente. Absorbé dans mes pensées, je bouffe pleine face une pelleteuse que je n'avais pas vu venir. Le temps de ressortir la tête de l'eau, la camionnette a disparu. Le mal est-il fait? Je ne le saurai qu'en sortant de l'eau. J'imprime mentalement le modèle du véhicule. D'aussi loin que porte le regard, il n'est pas en visuel côté fort, il a donc du remonter sur Plouharnel. Il faudra aussi que je précise l'heure du crime sur ma déposition. Il doit être dans les 13h40...

Je prends deux vagues supplémentaires, pour la forme (ma vie est foutue de toutes façons, alors autant en profiter). Mais, il faut être honnête, le coeur n'y est plus. Au bout de dix minutes à peine, je remonte la plage en direction du parking, la boule au ventre. Pourquoi suis-je dans cet état? Ce n'est pourtant pas la première fois que je laisse ma bagnole sans surveillance. En traversant la route, je vois enfin les contours de la voiture: rien ne semble avoir bougé.

Je déverrouille le véhicule, aucune trace d'effraction. Toutes mes affaires sont là, chacune à leur place. Le leash de la grosse Bertha est bien enroulé autour bac dans lequel mes bottillons moisissent depuis une bonne semaine. Deux solutions: soit c'est un pro, façon Jean-Marie Bigard, soit j'ai bel et bien pété un câble. Pourquoi aujourd'hui? Pourquoi ce pressentiment viscéral? Ce n'était qu'un jour comme les autres, une session de merde tout à fait moyenne. J'ai l'impression d'avoir complètement perdu, pendant un bref instant, le contrôle de mon sens logique.

Enfin, il faut voir le bon côté des choses, cet épisode m'a permis de ne pas traîner à l'eau trop longtemps. Parce que si les prévisions se maintiennent, je vais avoir besoin de toutes mes forces demain!

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A
Ouais ben t as bien fait d’en garder des forces, ce matin c’était séance de rame lol, en fait je pense tout simplement que la mer c’était une barre infinie, pas forcément puissante mais infinie!... À voir ce que ça donne à marée plus haute... et dans quel coin tu vas aller... <br /> en revanche, il fait super doux et j’ai même trouvé la mer chaude, tu me diras à ramer 45 min pour 1m30 de glisse cumulée maxi ça réchauffe ...
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U
:-D
A
Bonjour,<br /> Jaiune autre chanson dans la tete (en plus du chant sacr qui ma frappé en voyant la meteo) : "todayyyy is going to be the day"
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