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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Retour vers le passé

"Monte dans la DeLorean Marty! Nous nous mettons en route vers le passé!"

Doc. Emmett Brown

Décidément, ça claque toujours autant de citer les tirades des plus grandes tragédies grecques! Mais où vais-je chercher tout ça?

Vous l'aurez compris, ma religion m'interdisant de surfer le dimanche (je suis lendemaindecuitiste à tendance intégriste), la session que je vais vous livrer aujourd'hui appartient à la collection nationale du musée de mes souvenirs. Un patrimoine inestimable bien que menacé de délabrement: les plus beaux chefs d'oeuvre qui le constituent souffrant en effet des assauts conjugués d'une prolifération de gamma-GT et des prémices d'Alzheimer liés à l'âge et à la consommation intensive de perturbateur endocriniens. Afin de sauver ce qui reste des plus belles pièces, le conservateur a donc entrepris de les ranger bien à l'abri dans un blog. Mesdames et messieurs, nous allons commencer la visite, suivez le guide.

C'était un mardi de l'année 2017 à la guérite... Ou aux crevettes. Je ne suis plus trop sûr et de toutes façons ça n'a aucune importance. Ce dont je suis certain par contre, c'est que la houle était toute petite et le ciel était bleu. Je laisse aux plus courageux le soin de dépiler les 365 reports BZH Ecume de l'année 2017 (et de prouver par la même occasion la valeur historique inestimable des ces photos quotidiennes postées par un membre dont l'abnégation n'a d'égal que la ponctualité) pour retrouver la date exacte des évènements que je vais vous narrer sans d'avantage de circonvolutions.

La houle était toute petite donc (ce qui, à ce stade ne devrait plus être une surprise si tant est que vous avez été un minimum attentifs). Et le ciel était bleu (je l'ai déjà dit, mais j'en vois au fond qui ne suivent pas). Quand je dis "toute petite", je parle de micro-houle: 15cm à tout péter qui déferlent là où l'eau est à peine plus haut que le genou. Des conditions difficiles s'il en est, en raison du fort risque de planter la dérive de 10" de mon longboard -choix de planche obligatoire pour envisager la moindre glisse- dans le dos d'une vive ou d'une palourde.

Evidemment, je ne m'étais pas posé la question de savoir si cela valait la peine d'aller à l'eau. Nous étions en 2017 je vous le rappelle, j'étais encore à cette époque sous l'emprise d'une hystérie incontrôlable à la simple évocation d'une séance de rame (en l'occurrence cette session là prenait d'avantage des allures de longe-côte en raison de la difficulté à ramer sans gratter le fond avec mes ongles). Démuni de tout sens critique, je n'avais pas été alerté par l'aspect désert du parking ni l'absence de planche à l'eau aussi loin que le ciel (bleu, je vous le rappelle) me permettait d'inspecter la côte. En toute logique, je m'étais donc retrouvé seul au milieu de ces étendues vierges, comme un morpion sur une chatte fraichement épilée, à batifoler dans ma pataugeoire privative, alignant des take-off minables sur des pets de mouche incapable de pousser ma planche plus de quelques mètres. En trois mots: une belle session!

Pour ajouter le beau à l'agréable, je cédai le passage à (et me délectai du spectacle de) quelques pur-sangs en provenance du hara le plus proche qui galopaient à ma hauteur dans une explosion d'écume, chevauchés par des créatures graciles dont les longs cheveux volaient au vent sous le ciel (bleu, combien de fois faudra-t-il vous le dire!) et dont le soutien-gorge ne parvenait pas à contenir le ballotement de leurs mamelles nourricières gorgées de sensualité. Un pur moment de poésie visuelle! Presque aussi intense que le défilé de l'amicale du 3è âge venu faire du longe-côte, et qui suivra quelques minutes plus tard cette procession inattendue.

Repu de glisse et pressé par mon planning, je décidai enfin de mettre un terme à ces moments de sport extrême pour rejoindre mon tout nouveau Logan MV dci 80cv edition prestige, qui me manque tant à l'heure où j'écris ces lignes. Une fois changé dans le parking toujours désert, je retourne sur la dune pour profiter une dernière fois de ce paysage inimitable qui fait que les bretons reviennent toujours en Bretagne. La mer reflète le ciel (bleu, il faut suivre à la fin!) et les vaguelettes s'allongent paisiblement sur le sable qui prend des notes d'or sous le soleil rendu à son zénith.

En tournant le dos à ce spectacle (son et lumières, entrée gratuite), je constate à ma grande surprise que ma voiture n'est plus seule au pied de la dune. Une jeune femme gravit le chemin qui mène à mon poste d'observation. Nos routes vont se croiser. Le contact est imminent, nous ne sommes que deux, il n'y a aucun échappatoire, je suis pris au piège d'une interaction sociale forcée.

"(voix de femme) Bonjour.
- (voix masculine teintée d'une indicible sensualité virile bien qu'involontaire) Bonjour.
- Ça donne quoi?
- C'est tout petit."

Abasourdi par l'intensité de cet échange, je reprends -fébrile- ma descente vers le parking. Quelques secondes plus tard, ses pas résonnent à nouveau derrière moi. Elle n'aura manifestement pas mis longtemps à checker... Un regard furtif me rassure sur l'éventualité d'un second contact oculaire, la jeune femme a dégainé sont téléphone, je ne serai donc pas grossier en ignorant sa présence. Alors qu'elle arrive à ma hauteur, je profite de la moitié de sa conversation, celle située côté Plouharnel du combiné:

"Ouais, c'est moi. Je viens de checker là. ... Ben laisse tomber y'a rien. ... Non sérieux rien de rien. ... Reste chez toi, il faudrait vraiment être con pour y aller."

La tentation de lui signaler que "non, je ne suis pas con" est grande, mais je me ravise en me souvenant des mots de Descartes "L'intelligence est la chose la mieux répartie au monde: quoi qu'on en soit pourvu, on a toujours l'impression d'en avoir suffisamment, étant donné que c'est avec cette quantité que l'on juge".

Honteux et penaud, je m'efforce à présent de prendre l'air de celui qui est venu checker et qui rentre chez lui sans s'être mis à l'eau, en dépit de mes cheveux encore mouillés, de la flaque d'eau douce à l'arrière de mon coffre et du leash qui dégouline dans la voiture.

Je ne comprends pas. C'était pourtant une super session... Non?

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