Ceux d'en haut.

19/12/2018 17:54

Pour commencer, permettez-moi une courte parenthèse éditoriale: ce matin, grâce à vous, ce blog a franchi le cap symbolique des 5000 visites depuis sa création il y a deux mois (à une vache près). Dans cet intervalle, mes différents articles ont cumulé un total de 17000 lectures... Que de chemin parcouru pour un blog que j'avais créé en pensant m'adresser à une poignée d'amis! Quel merveilleux cadeau à l'approche de Noël que votre fidélité en tant que lecteur! Alors MERCI. Merci mille fois. Vous avez donné à cette aventure des proportions que je n'imaginais pas, et mon enthousiasme à vous fournir du contenu (que je m'efforce de rendre qualitatif) n'en est que décuplé.

Mais comme le dit un philosophe chtimi contemporain: "Trêve de blabla, trêve de blabla, trêve de blablaaaah. [...] Il faut lire, public, il faut liiiiiire". Voici donc, sans d'avantage de tergiversations malhonnêtes destinées à créer de long paragraphes et masquer l'absence réelle de contenu derrières des formules de style aussi classes que longues et superflues, ce pour quoi vous avez cliqué:

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Pendant que les débats techniques sur les subtilités de tel ou tel shape de planche et/ou de dérive alimentent des pages entières de posts sur les forums dédiés au surf, je me sens ridicule et nul à l'idée que je ne fais manifestement pas partie des initiés capables de disserter de façon constructive sur la différence de glisse entre une carène "Double inside single concave into split quad concave" et une planche à pain.

Déjà que je ne suis pas bien sûr de savoir mettre des mots sur la différence que je ressens entre un montage thruster et un quad...

Alors je ressens des choses, oui, c'est évident! Si vous me lâchiez les yeux bandés sur n'importe laquelle de mes planches, je serai capable de vous dire celle que j'ai sous les pieds en une fraction de seconde. Mais cela ne me rend pas pour autant capable de savoir si tel ou tel aspect qui la caractérise lui vient de son rocker, de ses rails, de sa carène, de ses dérives, ou du fait que son shaper avait un ongle incarné. Et si je voulais approfondir la question (ce qui n'est pour l'instant pas ma préoccupation principale), il me faudrait, pour procéder à une analyse scientifique rigoureuse, un référentiel de comparaison au sein duquel je pourrais faire varier un unique paramètre à la fois (ce qui, vous vous en doutez, peut poser problème pour ce qui concerne l'ongle incarné du shaper).

Alors quand je lis sur la toile, au cours de ma récente recherche de dérive idéale par exemple, des trucs du genre (traduit de l'anglais): "je ne suis pas fan du template 'F8', il manque de rake par rapport au 'Ando', d'autant que le foil V2 de la gamme blackstix ne procure pas l'accélération escomptée [...]" ...ben... ...disons que je me sens comme un nain devant un urinoir: la barre est placée trop haut.

Évidemment, je concède sans discuter qu'une certaine élite, composée des meilleurs surfeurs du monde, est parfaitement capable de prédire et de ressentir l'influence d'un demi seizième pouce de base supplémentaire (ou de deux degrés de moins dans l'inclinaison du treillis de fibre carbone) sur le comportement d'une dérive. Mais ce qui me surprend et m'interpelle, c'est qu'en 2018, cette finesse de perception et d'analyse semble à la portée de l'internaute moyen, tant les débats sont nombreux et alimentés par d'illustres inconnus.

Du coup, se pose à moi cette question légitime: suis-je à ce point plus mauvais que l'internaute moyen? Dois-je voir, dans ma piètre capacité d'analyse, un signe que mon cas est sans espoir? Il y a bien sûr plusieurs débuts d'explication qui ne mènent pas tous à la conclusion que je ne suis qu'une grosse merde, à commencer par le fait que ceux qui s'expriment sur la toile ne représentent pas nécessairement le profil type du "surfeur moyen". L'immense majorité des pratiquants se contente peut-être, comme moi, de lire et de fermer son claque merde faute d'avoir quoi que ce soit à ajouter. Je ne serais donc dans cette hypothèse qu'un lecteur anonyme de plus, qui se sent tout aussi con que la masse informe de ses congénères (ceci n'est PAS une vanne sur le physique des SUPistes).

Deuxième possibilité, les experts anonymes pourraient aussi, dans certains cas, en faire un tout petit peu trop. Genre juste un chouia. D'une supposition logique (éclairée par des connaissances théoriques adéquates) à l'affirmation, il n'y a qu'un pas. Avec un peu de mauvaise foi, je pourrais moi-même prétendre avoir une préférence pour tel ou tel détail d'implémentation technique sans que personne n'y trouve à redire, dans la mesure où j'appuierai mon argumentaire sur les observations faites par un expert reconnu (et/ou sur un discours marketing bien rodé), et où de toutes façons mes préférences ne regardent que moi. Pour autant, cela ne changerait rien à la triste réalité qui est que je ne serais jamais arrivé à cette conclusion par mes propres moyens, à moins de bénéficier de conditions parfaitement standardisées (et encore...).

Il y a aussi l'éventualité que je sois vraiment une merde et que n'importe quel surfeur pris au hasard soit capable de comprendre et de sentir toutes ces subtilités.

Peut-être enfin est-ce un peu de tout cela en même temps.

Toute la difficulté de ma situation réside dans le fait que je ne pourrai comprendre ce que ressentent les "initiés" (et par conséquent savoir si leurs arguments relèvent d'une réalité tangible ou du pur et simple bourrage de mou) que lorsque j'aurai rejoint leur club, lorsque j'aurai atteint ce niveau technique où, telle la princesse au petit pois, je serai capable de deviner si un mariole a collé une boulette de wax sous ma carène rien qu'en posant un aerial... si tant est que cela se produise un jour. D'ici là je ne serai qu'un profane condamné à écouter et croire les "gens d'en haut".

Ces idoles célèbres ou anonymes, champions du monde ou simples influenceurs du web, dont le talent sur une planche et/ou le bagou nourrissent les meilleurs discours marketing, sont capables de nous faire craquer un gros billet pour la dernière pseudo révolution technologique. Ils font la pluie et le beau temps sur la consommation. Ils sont les gourous qui prêchent, à grands renforts de stringer en polyuréthane de carbone issus des ateliers de la NASA, la messe à laquelle nous assistons à chaque nouvelle innovation, nous autres pauvres mécréants à qui il faut donner la foi. La foi dans le bénéfice mécanique d'une couche de bambou sous la résine d'une dérive, la foi dans l'effet hydrodynamique d'un rail "board eat board", la foi dans la solidité d'un leash composé de racines d'algue et de fibre de sphincter de goéland. Parce qu'à mon niveau, l'adhésion à ces concepts relève bel et bien de la religion et rien d'autre.

Mais putain, que c'est bon de croire!