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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Montagnes russes

Ty-Hoche, 12h.

C'est étonnant comme une session peut nous faire passer par tous les états émotionnels en l'espace d'une poignée d'heures!

Tandis que je me gare dans ce parking mal-aimé, comme le prouve le faible nombre de voitures présentes, je suis gagné par l'excitation. Les conditions sont prometteuses. Et puis Ty Hoche, c'est le fief d'un ex-collègue, surfeur notoire. Sur la route, je me suis même fendu d'un SMS, au cas où: le bougre surfe le weekend, j'ai peut-être une chance de le croiser...

Le temps de commencer à m'habiller et, bingo! Je reconnais sa berline roumaine en approche. Jörgen Vittsjö (nous l'appellerons ainsi pour préserver son anonymat), un barbu blond avec un prénom et un look de viking, est dans la place. Le temps de prendre les nouvelles fraiches et je file à l'eau en éclaireur.

Les vagues sont relativement petites mais super clean. Dans ces conditions, mon Evo aurait fait des miracles, mais comme elle est chez le docteur, j'ai du prendre la Cymatic, qui manque un poil de volume pour assurer dans les séries les moins puissantes. Plus au nord et plus au sud, les peaks sont déjà saturés. Ici, il y a encore moyen de surfer peinard, mais dieu sait pour combien de temps... Un sentiment d'urgence prend soudain le dessus sur l'excitation: je dois à tout prix assurer un max de vagues avant que la foule n'arrive et/ou que les conditions se dégradent!

La session commence sur les chapeaux de roues: Je fais une magnifique luge sur un gros tas de mousse qui me pète dessus. Ratant l'habituelle "première vague gavante" le sentiment d'urgence qui s'était installé se mue à présent en désespoir. C'est la descente. Malgré de supers conditions, je ne semble capable d'arriver à rien. Tout est foutu, autant rentrer chez moi tout de suite.

Deuxième vague, il y a du mieux: je fais mon take-off dans la mousse mais échoue à rattraper la section. Troisième vague, enfin, je décolle backside et profite d'une belle ouverture pour envoyer une, puis deux, puis trois, et enfin quatre gerbes d'eau dans la stratosphère. L'espoir renaît, la vie est belle, cette session est merveilleuse. Mon pote me rejoint, tout sourire, plus rien ne peut à présent étouffer mon enthousiasme que quelques belles vagues supplémentaires viennent renforcer.

A part peut-être... Cette horde de SUPs qui vient se placer exactement au dessus de nous. Pas moins de 4 balayeurs des mers en peloton serré, bientôt rejoints par un cinquième compère arborant un casque de VTT flanqué d'une caméra, entreprennent de nous rejouer le célèbre "balai à 4 manches" de Tchaïkovski et s'engagent sur toutes les vagues sans exception, ne laissant aucune place à la concurrence. Pendant que Luc Besson les filme caméra au... crâne, ils s'approprient l'intégralité des séries pour des séquences pas vraiment frisson. Privé de toute vague libre d'occupants, j'entame une deuxième descente émotionnelle. Ce n'est cette fois pas le désespoir mais la colère qui me gagne. Comment peut-on être à ce point égoïste? Les gens sont vraiment des cons, ya plus moyen de surfer peinard! Tout va à vau l'eau, la planète est foutue...

Je rumine ma rage sous le regard impuissant de mon pote lorsque l'impensable se produit: malgré une organisation militaire, l'escouade des pagaies laisse une vague s'échapper. Et pas n'importe quelle vague! Une superbe gauche qui se dresse juste à ma hauteur. Je m'engage d'une simple bascule. La descente est magique, j'enchaîne les virages comme dans un rêve. Au moment où je crois que la fête est finie, la vague m'offre contre toute attente une reforme de toute beauté, puis une deuxième. Je termine ma course au bord de la plage, baignant dans la soupe d'algue, mais aussi dans l'euphorie la plus complète. Cette fois, c'est certain, cette session est une réussite indiscutable, il ne peut plus rien arriver de fâcheux.

Évidemment, c'était sans compter sur le destin. A mesure que nous dérivons vers le nord, poussé par le courant, la concurrence s'amenuise puis disparaît. D'abord satisfait de notre solitude retrouvée, mon pote et moi commençons rapidement à douter: malgré les minutes qui s'écoulent nous avons de plus en plus de mal à choper une vague. Pourtant, ça surfe sur les peaks à présent saturés tout autour de nous... Mais là où nous sommes, les séries s'écrasent littéralement sur elles-mêmes, comme si nous étions tankés sur la seule baïne de la plage. Pas étonnant que personne n'ait envie de se joindre à la fête. Deux choix s'offrent à nous: attendre une vague qui devient de plus en plus improbable, ou rejoindre l'un des peaks surchargés pour aller jouer des coudes avec les excités du spot. Nous prenons la première option, et ce choix nous engage dans une longue période de loose dont nous ne voyons bientôt plus la fin. Et la loose... C'est la loose.

Toutes les bonnes choses ont une fin. Et que cela soit grâce à la marée ou à la chance, notre guigne finit par foutre le camp et nous renouons avec les séries potables à peu près au moment où j'étais sur le point de jeter l'éponge. Ça n'ouvre pas encore comme les boutiques un jour de solde, mais il y a de quoi glisser, et ça s'améliore à vue d'oeil. J'entame une phase de miraclage caractérisée, celle qui précède habituellement le retour au parking. Celle au cours de laquelle chaque vague est mieux que la précédente et rend plus difficile l'idée du renoncement. Un enchaînement de "dernières" qui ne semble pas vouloir prendre fin, une succession de virages que rien n'a l'air de pouvoir interrompre. J'entame une nouvelle ascension émotionnelle à la destination incertaine.

Heureusement pour mon équilibre psychologique, cette félicité béate est immédiatement interrompue par un jeune bien vénère sur son shortboard performance déco WSL, qui décide de nous ragasser nos séries. Alors que nous sommes à la cool, attendant nos vagues à notre place sans chercher à la jouer fine, notre nouvel ami se place juste à côté de nous et rame de long en large pour s'assurer la priorité sur tout ce qui rentre. Au bout de quatre vagues à cette sauce, mes pensées positives laissent place à d'incontrôlables pulsions mesquines. Parfaitement conscient d'enfreindre les sacro-saintes règles, je m'engage sur l'une des vague que mon jeune ami occupe, l'air innocent. A son signal: "hey oh, hop hop hop, là!", je sors de la pente, non sans avoir pris le soin de casser la section du mieux que je le pouvais. Le message est bien passé: je suis un gros connard à proximité duquel il vaut mieux ne pas traîner. Quelques secondes plus tard, la voie est de nouveau libre.

Je peux enfin terminer cette session sur l'inévitable gauche-parfaite-qui-déroule-jusqu'à-la-plage, que je gâche un tout petit peu en déclenchant mon cut-back trop tôt, ce qui a pour conséquence de me faire sortir avant d'avoir atteint la soupe d'algues qui stagne devant Ste-Barbe. "C'est pas plus mal comme ça" me dis-je, finalement satisfait du déroulement de cette session. Le parking est à présent saturé comme un mois d'août. Je suis décidément sorti au bon moment. Voilà une session bien menée, somme toute assez banale et sans grande incidence sur ma santé mentale.

Apaisé, je remonte enfin dans la voiture pour rejoindre le reste de ma tribu. Au bout de quelques kilomètres, la messagerie de mon téléphone retentit. C'est mon super pote de bromance surfiste qui vient tout juste de se libérer un créneau pour aller à l'eau. "On se retrouve devant chez moi?" me propose-t-il. Ma psychée replonge dans la confusion la plus totale: je viens à peine de quitter Plouharnel, la route jusqu'au village de Ste-Barbe n'est qu'une paire de minutes. Mais ai-je le droit de laisser tomber ma femme, qui s'occupe seule des gremlins depuis quatre bonnes heures?

Et voilà comment terminer une session en éprouvant à la fois une intense frustration et le sentiment d'avoir pris la bonne décision. Moi je vous le dis, le surf c'est pas fait pour les gens émotionnellement instables.

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D
Salut,<br /> Vu aussi Besson à l'eau et compères, plus la foule et une bonne dose de loose sur des vagues biens molles.. Mais les quelques vagues qui ouvraient, le bonheur !<br /> Les vacances sont finies, la fête commence, enfin.
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U
Pile quand la houle se barre :-D
A
Monsieur casque de VTT... Ah je le retiens celui là déjà avant de se mettre à l'eau je l'avais repéré à faire des selfies avec son crew de tanks mais sur l'eau c'était vraiment la plaie !
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U
Pas d'inquiétude, tout le monde en prend pour son grade dans ce blog. Moi le premier!
A
J'avais un doute en lisant l'article tout à l'heure sur l'identité du fameux ragasseur d'hier.<br /> J'avais jamais remarqué plus que ça le gros W sur ma short jusqu'alors...
C
Meme ressenti que toi. J'ai ete obliger d'essayer de surfer sur un peak de merde pour etre tranquil, au final la session du 1 était bien plus sympa. <br /> Apres la calle de stb c'est baine land et les vagues sont plus pechues pret du board, l'anse de kerhillio est aussi une méga baine ou il faut faire attention les jours de gros...
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U
Et ça change d'une année à l'autre, en fonction des tempêtes. Rien ne vaut une bonne vieille piscine à vagues :-D