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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Boooooomba

"La bomba (sensual)
Un movimiento sensual (sensual)
Un movimiento muy sexy (sexy)
Un movimiento muy sexy (sexy)
Y aqui viene el africano con el baile que est una (bomba)
..."

King Africa

Dix-huit ans que cet étron musical est sorti et je n'ai toujours pas compris pourquoi les paroles d'une chanson qui parle d'Afrique, chantée par un type qui se fait appeler "le roi Afrique", sont en espagnol. Et pourtant, cette réminiscence musicale ne me quitte plus depuis la session d'aujourd'hui.

Il est onze heures et demi bien tassées, l'heure de la pause déjeuner d'après mon collègue, lequel est dans un état d'excitation avancé depuis qu'il a consulté les dernières prévisions météo. Nous nous accordons par conséquent sur la nécessité de nous mettre en route, mais -une fois n'est pas coutume- chacun dans son véhicule, en raison d'un agenda divergent au retour de notre future session. Le temps d'une rapide mais nécessaire vidange organique, et le bougre s'est déjà volatilisé. Je monte dans mon gouffre à gasoil, et enquille seul sur la route des spots.

Vu la grosse houle et le vent à peine retombé, je planifiais déjà mon itinéraire pour visiter plusieurs replis potentiels et sélectionner le meilleur candidat, lorsque mon téléphone se met à sonner. La vache, je n'ai pas encore atteint Plouharnel que mon acolyte est déjà installé. Il n'a pas traîné! Sur ses conseils, j'avorte ma tournée des replis pour le rejoindre sur le bord d'une route improbable, avec la promesse d'y trouver des vagues à la bonne taille. Le front de mer est à des kilomètres de la zone de stationnement (bon ok, plusieurs centaines de mètres... Mais c'est quand même vachement loin). Ça me change des parkings derrière la dune. Mais voyons le bon côté des choses: il y a peu de chances que d'autres surfistes nous rejoignent par hasard.

Je checke l'état de l'océan: c'est quand même assez gros. Les séries les plus mastoc sont largement plus hautes qu'un bonhomme et semblent s'enrouler légèrement, mais on est loin du tube. Par contre, c'était prévisible, rien n'est franchement calé et la grande majorité des vagues sont molles. On est bien sur du profil de grande plage par jour de tempête: gros, mais mou, mais gros, mais mou. J'ai le sentiment indicible que cette session aura des airs de "one wave session". Le long de l'interminable route qui me ramène au vestiaire, je tergiverse inlassablement sur le choix du matériel. La grosse Bertha m'assurerait une bonne poignée de glisses, mais dans l'éventualité de choper un beau morceau, la Cymatic se révèlerait plus adéquate. Mon coeur continue de balancer jusqu'à ce qu'il soit temps de fermer le véhicule à clef. Dos au mur, je laisse la raison prendre le pas: ce sera la Cymatic!

Contrairement aux apparences, la barre est anecdotique. Ou alors j'ai juste une moule énorme... Quoi qu'il en soit je me glisse sans difficulté jusqu'à la zone d'impact. Comme prévu, c'est mou. Très mou. Après quelques essais infructueux, je dois me rendre à l'évidence: accrocher une vague aujourd'hui va relever de l'exploit surhumain... Un défi pile à la hauteur de mon talent. Les vagues ont beau être molles, lorsqu'elles trouvent la force de déferler, la mousse s'abat avec violence et rend le take-off délicat. La section exploitable pour se lancer ne fait que quelques dizaines de centimètres de large, coincée entre l'écume-pelleteuse et une épaule à peine plus pentue qu'une rampe d'accès pour handicapé. Et pour couronner le tout, le caractère parfaitement aléatoire des vagues rend la probabilité d'être au bon endroit, au bon moment, ridiculement faible.

Après de nombreux efforts, je réussis enfin à déclencher un premier planning. Départ sur la gauche, mais la vague ferme presque immédiatement, je fais volte-face pour me retrouver tout aussi vite piégé de l'autre côté. J'évite la claque en obliquant droit vers la plage. Ce que je prenais au départ pour une mauvaise manoeuvre s'avère en réalité un coup de chance: alors que, sans m'en rendre compte, je laissais le courant m'emporter vers le large, cette vague providentielle venait tout juste de me replacer au milieu de l'action. A présent, l'un des rares murs verticaux à la ronde est en approche et je suis idéalement situé pour en profiter.

Au moment de décider si je dois m'engager, le doute me gagne. La vague se dresse soudain de façon menaçante et j'anticipe une belle claque. Mais il est trop tard pour reculer et je déclenche mon take-off en apesanteur alors que la lèvre me projette en chute libre vers l'avant. Je tombe de bien plus haut que mon mètre quatre-vingt et ne doit mon salut qu'à l'inclinaison de la pente qui me cueille à mi-hauteur. Les dérives tribord mordent la surface de l'eau les premières, car j'ai déjà tourné mon flotteur pour partir backside. La main gauche sur le rail opposé, je plante les talons et la carre dans le mur liquide qui me surplombe à présent de toute sa taille. Ma planche accélère. En une fraction de seconde, la vitesse est telle que ma Cymatic rebondit littéralement sur les nombreuses aspérités du plan d'eau, alors que la crête menace de s'abattre sur et devant moi. A plusieurs reprises, j'oblique ma trajectoire pour éviter les tremplins que le clapot sème sur ma route.

En échappant à la première livraison de mousse, je crois trouver une porte de sortie, mais la vague se dresse à nouveau et me relance avec une explosivité inattendue. Je n'ose plus esquisser le moindre virage tant le contrôle de ma trajectoire ne tient qu'à un fil. Mes jambes amortissent comme elles peuvent le champ de bosse que je traverse à la vitesse du son. Sans savoir ce que je faisais, je venais de charger une véritable bombe, et rien n'est moins sûr que mes chances d'en sortir indemne. Pour faire le malin, je pousse un hurlement à l'attention du public en transe, mais celui-ci est étouffé par les déflagrations d'écume qui sont à ma poursuite... Et puis de toutes façons, il n'y a pas de public.

A deux reprises encore, je pense pouvoir trouver une sortie, mais la vague me refuse cette politesse et m'oblige à repartir pleine balle dans la pente, non sans projeter quelques gerbes d'eau jusque dans la stratosphère. Chaque nouvelle ascension à la recherche d'un échappatoire se solde par un retour forcé à l'altitude zéro et une nouvelle accélération. C'est avec un certain soulagement (néanmoins assaisonné d'une pointe de regret) que je trouve enfin une zone de plat et m'extirpe de cette vague, vivant! Une bonne dizaine de mètres supplémentaire de planning sur la surface à présent horizontale qui s'étale devant moi m'indique que l'énergie cinétique cumulée lors de cette escapade dépassait largement le niveau de mes performances habituelles.

Mon rythme cardiaque à 280bpm aussi...

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