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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Gromland

Port-Blanc, 9h30.

Je dois me rendre à l'évidence: soit mon rencard m'a posé un lapin, soit il s'est perdu en route. Premier à l'eau depuis le level du soleil, une heure plus tôt, je surveille inlassablement les allées et venues du parking depuis le peak molasson situé en face de la plage. Une poignée de rameurs se sont bien mis à l'eau, probablement les occupants de la camionnette venue passer la nuit sur le parking (à en juger par la condensation sur les vitres), mais aucune trace de mon Viking. Tous ont filé direct à port-Rhu où ça marche un peu mieux, et ont bientôt été rejoints par d'autres courageux en provenance de Port-Bara.

Résigné, je plie bagage et trace, moi aussi, en direction du sud à la recherche de vagues un peu plus péchues. Rapidement, le courant me choppe et m'envoie au pied des falaises où je pose mes premiers virages, un peu tendu quand même par la proximité des roches. Sur les grandes plages, il n'y avait guère plus d'une dizaine de centimètres. Des conditions insurfables malgré toute ma bonne volonté. Ici, c'est pas la grosse folie non plus, mais au moins il y a de quoi faire un take-off. Malgré un vent favorable, la houle n'est pas super clean et les effets de courant n'arrangent rien. Les mecs autour jouent dans une autre catégorie, je m'efforce de rester à l'écart pour ne pas gêner.

Au bout d'un moment, le courant finit par me déposer à proximité d'un grand barbu et chevelu qui enchaîne les vagues avec une facilité écoeurante. De loin, on aurait pu le confondre avec mon rencard, eu égard au look Asgardien, sauf que le bonhomme fait trois têtes de plus. Il m'adresse quelques mots, mais la combinaison des bouchons et de la capuche ne me permet d'entendre qu'un grésillement sourd. Ne détectant pas d'animosité dans son attitude, je me contente de lui répondre par un sourire aimable. "Ah, au fait, SALUT hein!" me lance-t-il d'un air ambigu. Et merde, j'ai dû lui manquer de respect sans même m'en rendre compte. Décidément la surdité ne me réussit pas. La queue entre les pattes, je retourne vers le nord pour me faire oublier.

A quelques brasses de là, un mec envoie des rollers rageux sur tout ce qui passe. Je contemple avec amertume ses virages à 180°, les dérives à l'air, tout en essayant de ne pas me faire enfermer par mes propres vagues. Ici encore, je ne me sens pas à ma place et rapidement je reprends la route qui me rapproche de l'entrée du parking. Ma session touche bientôt à sa fin de toutes façons.

De retour sur le banc de sable de port-Blanc, je repère deux points flashy posés sur des corps miniatures. De loin, je crois tout d'abord ne plus être le seul adulte responsable à avoir acheté ce fameux bonnet de bain "licorne" rose fluo en vente chez Décathlon, mais en m'approchant, je constate qu'il s'agit en réalité de casques de protection bien vissés sur la tête d'une paire de groms qui déchirent la moindre vague sous le regard attendri de maman qui shoote depuis la plage, avec un gros télé posé sur son trépied. Quelques secondes plus tard, je repère un troisième moustique, sans casque lui, mais doté de cheveux tellement blonds qu'il doivent briller dans la nuit.

Tous autant qu'ils sont, ils ont l'âge d'être mes enfants... Et le niveau technique pour me donner des cours de surf. Mon coeur balance entre l'attendrissement causé par ce débordement de mignonnerie à l'état brut, et la jalousie suscitée par leur maîtrise. C'est à peine croyable: ils ont encore une quinzaine d'années devant eux avant d'atteindre leur apogée physique, et ils sont déjà en train d'aligner les snaps avec une facilité désarmante. Difficile de dire jusqu'où leur marge de progression les emmènera en 2030 (si la décroissance n'a pas signé le glas du surf d'ici là).

Malgré mon Evo, j'ai le plus grand mal à m'assurer une poignée de vagues. Mais pour les trois sauterelles, c'est une toute autre histoire. A tout péter, le plus lourd doit faire 30kg: un tiers de mon poids! Toutes proportions gardées, des vagues comme aujourd'hui pour eux, c'est un peu comme moi surfer dans 80cm bien creux. Pas étonnant qu'ils décollent sur la moindre ondulation. Et comme ils partent beaucoup plus tôt, ils ont tout le temps d'accélérer avant que ça ne commence à fermer. Pendant ce temps, je suis contraint de ramer en pleine zone de déferlement pour m'engager dans les pentes le plus raides et de précipiter mon take-off pour avoir une chance d'échapper à la mousse.

Difficile de persévérer face à une telle injustice. D'autant qu'ils ne se privent pas de ramer aussi sur les vagues que je tente d'attraper, en dépit des règles de priorité. Après tout, vu mon taux d'échec élevé, ils auraient tort de laisser passer une opportunité... Mais l'éventualité de faire un strike sur un môme me rajoute une dose de pression supplémentaire: je n'ai nullement envie de casser un gosse en deux (car c'est ce qui se produira s'il se prend mon quintal de bidoche et de néorpène sur la tronche), même si les sacro-saintes règles m'y "autorisent". Aussi, je me résigne finalement à quitter le parc d'attraction pour libérer une place sur le manège. Gromland, c'est pas une place pour moi.

De retour au parking, je repère la bagnole de mon rencard. On s'est juste loupés. Un fail de plus dans cette série sans fin d'échecs. Il faudra que je pense à lui envoyer un sexto pour lui demander comment s'est passé sa session à lui. Ou pas. Si c'est pour apprendre qu'il s'est gavé, je sais déjà que ça va me saouler. Je vais plutôt rentrer chez moi la queue entre les pattes.

Elle au moins, elle ne me laisse jamais tomber.

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A
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C
Sortir l'evo à la cote so c'est technique je trouve ;-) sacré grom.
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C
Ah ah, je n'avais jamais pensé à la différence de poids, mais c'est vrai que les quarantaines partent avec un bel handicap ????<br /> Bonne idée le casque, et pas seulement pour les kids...<br /> Qui n'a jamais pris sa planche dans la tronche ?
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U
Ben ça passe bien quand c'est mou comme dimanche matin! D'ailleurs, je me voyais mal partir avec moins de volume, vu comme je galérais déjà là...
C
C'est une tres bonne idée, j'ai un ostéome a force de me prendre la planche la gueule :-P