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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Fair play

Spot ultra secret, 13h

Avec ce soleil incroyable et des prévisions promettant du "petit mais exploitable", je n'ai même pas tenté d'aller voir l'état du parking de la guérite, trop peur de la foule. J'ai donc directement filé un peu plus loin, vers un spot ultra secret, presque pas indiqué par des panneaux, le long de la route qui va jusqu'à Penthièvre. Une fois sur place: une rangée et demie de voitures à peine, dont plusieurs immatriculations étrangères indiquant d'innocents plagistes sans doute perdus (vu le degré de confidentialité de l'endroit). Pas de doute, ça doit clairement être pire ailleurs.

Je check rapidement par dessus la dune l'unique peak du spot: c'est largement prenable avec la Cym, ça ouvre bien même si c'est un peu mou, et il n'y a littéralement personne à l'eau! Je me change à toute allure et file en courant profiter de l'exclusivité des séries, alors que de part et d'autre, je vois au loin les peaks de Mane-Guen et La guérite recouverts de petits points noirs.

Ce n'est qu'une fois sur la plage que je réalise mon erreur. Cachés derrière la pente abrupte (qui, à marée haute, est à l'origine d'un vilain shore-break), à l'abri des regards, attendaient en embuscade un moniteur de surf et sa famille de petits canards. Ils terminent apparemment leurs étirements et écoutent les dernières consignes avant de se jeter à l'eau. Pris d'un sentiment d'urgence, je me précipite au delà de la barre et me baffre d'une demi-douzaine de vagues, afin de sauver les meubles avant que l'inévitable ne se produise.

La houle est petite mais un léger vent off-shore la sculpte à la perfection. Avec un minimum de patience, je profite de belles pentes qui ouvrent sur plusieurs dizaines de mètres, et m'offre mon quota de virages. J'ai une pensée pour le fils de mon pote qui a pris tellement cher hier alors qu'aujourd'hui les conditions auraient été idéales pour lui... Enfin ce qui est fait est fait, et je ne vais pas bouder mon plaisir pour cette histoire.

A côté de moi, un couple de quinquas en longboard s'installe, accompagnés d'un gosse en mini-mal. Les vieux ne constituent manifestement pas une concurrence préoccupante, ils se contentent principalement de rater les séries en ne ramant pas assez fort. Le môme, quand à lui, n'affiche pas de mauvaises intentions. Après s'être placé sans le faire exprès juste au dessus de moi (Le gamin était tellement absorbé par la surveillance des séries qu'il n'avait même pas vu qu'il s'était arrêté de ramer moins de 40cm devant ma planche), je pouvais lire avec amusement la surprise et la gêne dans son regard au moment où il bafouillait une excuse avant de filer se mettre un peu plus loin.

Encore quelques minutes de presque-quiétude, et l'inévitable se produit: Une horde de débutants affamés (entre 10 et 12) menés d'une main de fer par leur instructeur, se jette sur l'unique peak disponible. Profitant d'une ultime vague avant leur arrivée, je croise la route de plusieurs d'entre eux pour qui la notion de "contournement du peak" semble encore assez vague. Assurant mes trajectoires pour ne pas risquer la collision, je déroule ma vague tant bien que mal en slalomant entre ces obstacles mobiles. Certains d'entre eux prennent peur, ce que je peux comprendre, et se jettent sur le côté à mon passage malgré la distance de sécurité que je m'efforce de maintenir. Assistant au spectacle, maman canard vient à ma rencontre et me glisse amicalement: "Fais gaffe, ils ne sont pas encore tous au point!". Voilà qui a le mérite d'être fair-play. Maintenant, je sais à quoi m'en tenir!

Effectivement, le groupe est assez hétérogène. Entre ceux qui se contentent de faire la luge et ceux qui glissent backside avec une main sur le rail, les stagiaires se retrouvent bientôt répartis sur toute la largeur du peak. De plus, les surfistes déjà installés semblent d'une manière ou d'une autre intégrés à la bande puisqu'ils s'y mêlent et discutent comme de vieux amis. J'ai beau essayer de rester à l'écart en poussant vers le sud, difficile d'éviter la mêlée sans sortir délibérément de la zone d'impact.

La situation est d'autant plus désespérée que d'une part les vagues commencent à mollir et à devenir franchement limites pour ma Cym, et que d'autre part, sans doute subjuguées par mon magnétisme animal, deux stagiaires de sexe féminin semblent avoir décidé de me me coller aux basques en m'adressant leurs plus beaux sourires, ce qui n'est pas désagréable en soi mais pose quelques problèmes logistiques lorsqu'il s'agit de faire du surf. Renonçant à leur procurer la satisfaction sexuelle qu'elles semblent attendre, de peur que le reste du groupe ne réclame sa part légitime de jouissance et qu'il ne me faille oeuvrer jusqu'à la tombée de la nuit, je me contente de répondre à leurs sollicitations par un geste amical avant de m'efforcer de faire abstraction de leur existence.

Après avoir enchaîné quelques vagues "bof bof" sous le regard exalté de mes nouvelles fans, je renonce à m'exiler loin du peak et retourne dans le maul pour m'installer sur une belle gauche en approche, probablement la dernière vague creuse avant que le mou ne s'installe définitivement. Hélas, après mon premier bottom, je trouve sur ma route l'un de ces stagiaires qui aligne les luges sans regarder si la vague est libre, et me retrouve contraint de devoir sortir en urgence, faute d'avoir prévu de manger de la viande hachée au dessert. Je me garde bien de fustiger l'incongru, à la fois désolé et effrayé par le sort auquel il vient manifestement d'échapper. Mais, ivre de frustration, je m'en retourne plutôt chercher le réconfort dans le sourire de mes prétendantes.

Par chance, ces dernières font partie de "ceux qui sont au point", et nous trouvons rapidement nos marques, alternant les vagues sans se gêner mutuellement. Notre organisation est d'autant plus naturelle et facile que je ne prends bientôt pratiquement plus aucune vague. La houle a tellement molli que j'ai toutes les peines du monde à planer. Je sais que l'Evo me sortirait de cette mauvaise passe mais il est déjà certainement tard et j'ai trop la flemme de retourner au parking. En remontant au peak après avoir planté mon rail comme une merde à la suite d'une magnifique moustache, je re-croise le moniteur qui me glisse:

"Ça commence à être vraiment limite pour ta planche là!
- C'est clair, mais de toutes façons il va être temps que je retourne bosser. Tu as l'heure?
- [censuré]
- Ah ouais, quand même! Bon ben je file, merci et bonne journée."

Sous-estimant mon leadership naturel, je sors de l'eau sans prendre conscience que mon absence allait mettre un terme au cours de surf, les stagiaires me suivant de plus ou moins loin jusque dans le parking. Sans regret, je regarde du haut de la dune les dernières séries s'essouffler avant de reprendre ma route.

En toute honnêteté, ça aurait pu être pire!

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C
La légende dit que le spot est tellement secret que même la voirie , aurait apposé sur le panneau l'icone d'un plagiste entrain de bronzer histoire de brouiller les pistes. Le gros soucis de se spot world class c'est ça mollesse légendaire.
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