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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Avec des morceaux dedans.

Port Blanc, 13h.

L'été est bel et bien installé. Petite houle molle malgré son orientation a priori idéale, léger vent on-shore pour raboter les crêtes, soleil de plomb, et une horde de surfistes à l'eau du côté de Port Rhu. En sortant de la voiture du collègue qui a eu la gentillesse de m'éviter un voyage en Twingo, nous tombons sur l'artiste de l'atelier voisin en train de se tâter à sortir sa planche. "C'est vous qui avez raison les gars, autant essayer de choper une série ou deux plutôt que de rester à regarder depuis le parking". Bon, ce n'est pas ce midi que mon shape avancera!

Vite changés et équipés, nous marchons bientôt vers port pigeon à la recherche d'un peak à la fois tranquille et pas trop pourri. La mer est complètement basse: nous passons à pied sec sous la patate pour aller nous poser juste après l'arche. Sur le chemin, nous tombons sur un nombre impressionnant de méduses échouées. Décidément, elles sont en avance cette année. Il faut dire que la raréfaction de leurs prédateurs naturels ne contribue pas à freiner leur prolifération.

En nous mettant à l'eau, la tendance se confirme: la mer ressemble à une soupe de méduse avec des morceaux dedans. Impossible de ramer cinq mètres sans tomber sur un, deux, voire trois spécimens agglutinés en une pose lascive dont l'obscénité gélatineuse n'échappera pas aux spécialistes du monde animal. Nous nous félicitons d'avoir enfilé nos intégrales tout en prenant le plus grand soin à ne pas laisser dépasser nos pieds, et en ramant avec la plus grande prudence. Cet excès de précautions ne nous aide évidemment pas à prendre nos vagues et la session commence pour ma part par une grosse phase de loosage.

Au bout de quelques minutes, je réalise que mon placement s'avère être le pire qui soit. Je me trouve en plein milieu d'une section qui ferme sur plusieurs dizaines de mètres de large. Il me faut décaler soit au nord, soit au sud, si je veux espérer trouver une pente qui ouvre. Cherchant la facilité d'une gauche, je retourne vers la patate où m'y attend mon shaper préféré, un type d'autant plus respectable qu'il a le bon goût d'être goofy, lui aussi.

De retour à port blanc, j'ai l'heureuse surprise de constater que les méduses se raréfient. En contrepartie, chaque vague sur laquelle je glisse se termine dans une véritable soupe d'algues garnie de trucs gluants. En faisant un canard, je bouffe même un échantillon dans la face. Mon oeil se met à me démanger en même temps qu'un chapelet de petits boutons commence à me pousser dans le cou. Par chance, ma peau réagit plutôt bien à ce type d'agression, et je ne souffrirai que d'une légère envie de me gratter qui s'estompera avant la fin de la session.

Côté surf, c'est toujours pas ça. Une amélioration sensible dans la consistance et le volume des séries nous pousse pendant quelques minutes à un optimisme débridé, l'artiste me cède même un morceau à hauteur d'épaule sorti de nulle part, et sur lequel il avait pourtant toute légitimité de ramer. Sans doute pensait-il pouvoir profiter de la suivante... Mais ce regain d'espoir n'était destiné qu'à mieux nous faire sombrer dans la loose en constatant quelques minutes plus tard que ce que nous prenions pour une tendance stabilisée à la hausse n'était qu'un ultime sursaut avant la débâcle.

Le collègue nous ayant à présent rejoint, nous commençons à discuter tous les trois sans voir passer les longues minutes durant lesquelles l'océan ne nous envoie plus aucune onde. Lorsque nous prenons enfin conscience qu'il n'y a plus la moindre vague exploitable, le Rodin du pain de polystyrène nous abandonne pour s'en retourner à son oeuvre. Mon collègue et moi nous acharnons une longue demi-heure supplémentaire à espérer une glisse potable. La sempiternelle demi-heure de trop...

Finalement libérés par une vague que nous avions cessé d'espérer, et qui nous permet de rejoindre la plage en position verticale, nous ne pouvons que constater l'énorme retard que nous avons pris sur le planning professionnel de l'après midi. Le temps de rejoindre le bureau, il faudra déjà décoller pour aller chercher les gosses à l'école. "Ya pas à dire, me glisse alors mon chauffeur, faire deux heures de bagnole pour aller se baigner au milieu des méduses... Je suis sûr qu'il y a un tas de gens qui doivent trouver ça très con."

Il n'a pas tort... Le frontière entre le surf et le masochisme ne tient souvent qu'à un fil.

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