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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Longboard, moule-bite et bonnet de bain

La guérite, 11h45.

Après avoir essayé de foutre le camtar de mon pote dans le fossé une bonne demi douzaine de fois sur la route menant au parking (j'aurais pourtant juré que ce chemin de terre était assez large pour tenter un dépassement), je gare finalement le quivermobile à côté de son véhicule, sur l'esplanade de terre où à peine plus d'une dizaine de bagnoles chauffent au soleil. Le fait qu'il n'y ait pas grand monde sur la plage constitue par ailleurs une excellente surprise, je m'attendais en effet à un spectacle digne de la côte d'azur avec un tel soleil combiné aux vacances scolaires. Sans doute un phénomène propre aux jeudis...

Quoi qu'il en soit, et même s'il avait fallu affronter la foule, je ne pouvais pas refuser l'invitation d'un ami à partager une baignade virile entre mâles dominants. Encore moins lorsque les conditions sont aussi exceptionnelles: 30 cm tout mou avec un léger vent on-shore. Je me frotte les mains en pensant à la session bien merdique qui s'annonce! Pas le choix: pour prendre une vague aujourd'hui, c'est longboard obligatoire. Et pour que ça soit un minimum amusant, on enlève la dérive. Vu que je vais inévitablement passer pour un con à me prendre gamelle sur gamelle en essayant d'envoyer des 360° avec une planche de 9 pieds (et qui donc n'est pas faite pour ça), je sors ma tenue de gala: moule-bite, lycra jaune fluo qui met la brioche en valeur, et bonnet de bain licorne rose pétant!

La session commence exactement comme prévu: une succession de glisses minables et de dérapages absolument pas contrôlés. Les vagues sont tellement molles que le seul moyen de se faire embarquer c'est de garder la planche bien à plat et les pieds hors de l'eau, autrement dit sans la moindre petite trainée hydrodynamique susceptible de m'aider à maintenir la planche en ligne. Dès que la pente commence à lui pousser au cul, mon longboard pivote à 90° pour des take-off "en crabe" du plus bel effet. Et lorsque j'arrive à me verticaliser, c'est pour mieux me ramasser quelques mètres plus loin en tentant une manoeuvre vouée à l'échec. Effet garanti, même en comparaison des touristes en knacki, j'ai l'air d'un vrai Cook à enchaîner les gamelles avec une fréquence digne d'un bêtisier diffusé à 23h sur la TNT. Je profite de l'occasion pour me féliciter de mon choix d'appareil vestimentaire: ainsi déguisé, aucun risque que quiconque puisse reconnaître en moi la star montante du circuit pro catégorie senior.

Au bout d'un moment, mon pote se rend compte que je n'ai pas de dérive: "ah, c'est pour ça que tu as l'air de galérer!". J'y vois un signe d'encouragement, peut-être essaie-t-il de me dire, avec toute la pudeur qui s'impose entre amis, que d'habitude j'ai l'air un peu moins débile. Intrigué, il réclame un swap de planches (une vieille habitude qu'il a contracté à force de trop fréquenter les clubs échangistes), je profite donc quelques instants d'un flotteur tout à fait conventionnel équipé de tous les raffinements de l'hydrodynamique moderne (et même de trois raffinements pour le prix d'un!).

Deuxième effet kiss-kool, pendant que je trace quelques lignes un peu chiantes sur un flotteur au comportement prévisible, mon ami a l'air de galérer largement autant que moi sur sa savonnette à probabilité quantique. De quoi renflouer mon amour propre. D'ailleurs, il ne mettra pas longtemps à me restituer l'objet du crime, justifiant son geste par un "non mais là j'arrive à rien" nonchalant. Je récupère donc l'engin empli d'un espoir renouvelé, et avec la ferme intention d'en faire quelque chose.

Take-off en switch stance suivi d'un 180°, voilà un objectif réaliste et atteignable! ...Après une dizaine de tentatives, j'estime que mon quart de tour vaut bien un 180° et qu'il est temps d'accomplir d'autres exploits.

Profitant d'une vague un peu plus ouverte que les autres, je plante le rail en un long bottom et commence un ride down-the-line avec ma carre pour seule dérive. Les choses se passent plutôt bien et j'arrive même à générer un peu de vitesse lorsque la vague se décide à fermer. Or, au moment où la trajectoire de l'écume croise celle de mon longboard, un phénomène tout à fait inattendu (bien que parfaitement prévisible) se produit: en l'absence de dérive pour contrer cette poussée transversale, mon flotteur se fait littéralement faucher, faisant fi des principes les plus élémentaires de physique dynamique. D'un déplacement longitudinal, celui-ci entame soudain une glissade transversale avec la même violence que s'il avait rebondi contre un mur. Or, n'étant pas moi même doté de la même capacité à ignorer l'inertie qu'une mouche en plein vol, cette modification aussi soudaine qu'impromptue de mon vecteur vitesse a pour conséquence immédiate une grosse pélasse bien sentie.

Remis de mes émotions, je réitère une tentative -backside cette fois- pour constater qu'effectivement, faute de pouvoir générer suffisamment de vitesse pour donner assez de consistance à mon rail, la moindre poussée latérale se solde par un drift immédiat de la planche. Cette observation scientifique me coûte une cheville et un morceau de tibia, que mon longboard a jugé bon de sanctionner pour leur curiosité excessive.

Me tournant à présent vers mon ami, je propose d'envisager l'éventualité d'un retour au parking dans un futur proche "Parce que, quand même, on se fait un peu chier, non?
- Ben en fait, ça fait une demi heure que j'ai envie de sortir, moi. Depuis que je t'ai proposé d'aller chercher nos sandwich pour manger tranquille sur la plage, en fait..."
L'instant est délicat: je dois à présent lui annoncer que je n'ai pas pris de sandouiche et que j'ai la ferme intention de tracer direct au bureau, histoire de pointer presque à l'heure. Bref, en d'autres termes qu'il est resté se faire chier pour rien.

Ce point éclairci, nous nous quittons en bons termes, non sans agrémenter nos adieux de quelques grivoiseries de bon aloi. Parce que si c'était sans aucun doute une bonne grosse session de merde d'un point de vue surfistique, comme le dit le proverbe fistinien: "la merde a toujours un goût exquis lorsqu'elle est partagée entre amis".

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C
Je veux voir le bonnet de bain licorne rose.
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U
Ya qu'à demander !
A
Hahaha, <br /> Je ne sais pas pourquoi mais je l’aurais parié ... les planches soit disant rangées dans le garage jusque septembre ;-))<br /> Cette semaine tu vas y aller tous les jours du coup ;-) hehehe
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U
Les (vraies) planches n'ont pas quitté le garage! Un longboard, ça compte pour du beurre. Non?