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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Youpi matin-in-in

Ty-Hoche, 6h10.

En redescendant l'interminable chemin parsemé de petits graviers pervers qui mène à la plage, je me remémore comme à chaque fois la raison pour laquelle tout le monde préfère se garer à la guérite... Et donc pourquoi le parking sur lequel j'ai ce matin jeté mon dévolu est toujours moins peuplé que son voisin. Profitant de la (longue) promenade, j'envoie un report de courtoisie à mon pote scandinave sur le point de me rejoindre:

"#tyhoche #40cm #tropvieuxpourcesconneries"

Alors que je range le smartfône en frissonnant dans la fraîcheur matinale (le thermomètre du camion affiche 10°c et je n'ai qu'un ticheurte motif méduse sur le dos), je distingue dans les dunes la lueur de phares en approche. Mon rencard arrive pile au moment où j'allais me réfugier dans la tiédeur de mon habitacle. Me voilà bon pour un deuxième trail arctique au travers des dunes. Le soleil n'est pas encore levé, lui, ce qui suscite une certaine jalousie de notre part. Björn semble d'ailleurs avoir autant de mal que moi à décoller la merde qui scelle ses paupières, et me glisse un "Papa, je veux retourner au lit" (oui, ma carrure d'athlète autant que mon caractère sage et responsable font de moi une figure paternelle de référence pour de nombreuses personnes en manque de repères). Nous checkons (à nouveau) les toutes petites conditions du jour. Avec la marée haute, les vaguelettes pètent près du bord, mais elles ont le mérite d'être glassy. C'est cependant tout ce qu'elles ont pour elles, souffrant par ailleurs d'un manque de taille, de puissance et d'ouverture évident. Ça ne fait pas un pli: ce sera une session longboard ou rien.

Marchant à nouveau vers le parking, mon pote pianote un SMS sur son téléphone. Quelques secondes plus tard, je reçois un message sur le mien: "50cm"...

Ce n'est pas tant l'idée qu'il puisse contester mon jugement qui me surprend (même si le fait est peu commun, vu que j'ai en général toujours raison), mais plutôt celle d'imaginer qu'il n'ait pas eu le courage de me le dire en face. Après tout, je ne suis violent qu'avec les femmes, les étrangers et les inconnus. Je m'efforce donc de trouver une autre raison rationnelle à cet envoi.

"Heuuu, tu ne te serais pas gourré de destinataire par hasard?
- Hein? Quoi?
- Ton SMS...
- Où ça?
- Vous reprendrez un peu de café, Jean-Pierre?
- C'est pas de refus William. J'ai beau être matinal, j'ai mal...
- Youpi matin-in-in, de bon matin-in-in, youpi matin YOU-PI!"

Le mystère éclairci (son intention initiale était d'envoyer ce report à une amie), nous pouvons nous préparer dans la bonne humeur. Une fois n'est pas coutume, je décide de mettre une dérive à mon longboard, de façon à me permettre de tenter quelques tricks supposés pimenter une session vouée à l'ennui. Le matériel installé, je n'ai plus qu'à attendre mon acolyte... Et on dira ce qu'on voudra, mais les suédois passent autant de temps à enfiler une combi et sortir un longboard de sa housse qu'une gonzesse en met à se maquiller! Il fait déjà largement jour, limite coucher du soleil, quand nous nous mettons enfin à arpenter (pour la cinquième fois en ce qui me concerne) le marathon des graviers menant à la plage.

La session commence tranquille. Pour changer les habitudes, je décide de prendre toutes mes vagues frontside, qu'elles déroulent à droite ou à gauche. Cela m'impose dans 50% des cas à faire mon take-off en switch stance. L'exercice est d'autant plus intéressant qu'il m'oblige à décomposer et réfléchir aux étapes de ce geste devenu si habituel. Au cours des premières tentatives, j'ai l'impression de débuter à nouveau, à ceci près que je connais déjà la liste des erreurs à éviter. La glisse, également, s'en trouve radicalement différente. Je suis d'autant plus surpris de constater les difficultés évidentes que j'ai à générer de la vitesse et dessiner mes trajectoires, que lorsque je faisais de la planche à voile, je n'avais jamais ressenti une différence aussi marquée entre les deux bords. Quoi qu'il en soit, en constatant mes défauts exacerbés par cette posture inhabituelle, je prends bonne note des points à corriger et me félicite de cette initiative.

A côté de moi, Jörgen s'exerce aux pas croisés sur celle qu'il appelle affectueusement, et avec une mauvaise imitation d'accent portugais, "mon groche péniche". Sa route croisant la mienne alors que je remonte au peak, j'entreprends de choper son leash dans le but de lui faire une petite blagounette des familles (le genre qui se termine aux urgences, avec une commotion cérébrale). Hélas, mon humour irrésistible n'aura pas de suites car le renard n'a pas de leash. En plus d'essuyer une amère déception, je comprends soudainement mieux son insistance à éviter la saumonade en fin de vague.

Deux autres mecs se mettent rapidement à l'eau. Nos charmes magnétiques combinés opèrent de manière infaillible et nous nous retrouvons bientôt à décaler de plus en plus loin pour rester peinards, suivis de près par nos canetons. Sans arrière pensée particulière, je tente la blague du "C'EST GÉNIAL D'AVOIR LA NATURE POUR SOI COMME ÇA! SURTOUT DE POUVOIR PROFITER DU CALME ET DU SILENCE" hurlé à 180dB. J'obtiens un véritable succès à de multiples égards: mon pote s'étouffe de rire et l'un de nos deux bébés canards entreprend soudain de nous lâcher durablement la grappe. L'autre, en revanche, semble choisir l'option de la cordialité et engage quelques instants plus tard la conversation avec un sourire à désarmer un lobbyiste de la NRA. Les galéjades et autres plaisanteries de rigueur entre deux séries se font désormais à trois, ce qui n'est pas pour me déplaire. Il faut au moins ça pour rendre cette session intéressante.

D'ailleurs, à force de m'entendre me plaindre de la piteusité des conditions, Piötr se sent obligé de justifier mon comportement auprès de notre nouvel acolyte: "c'est un shortboardeur, faut pas lui en vouloir". Loin de prendre ça comme un compliment, je ne dois pas moins me résigner à accepter cet état de fait: je ne suis pas fait pour le longboard. Dans une tentative désespérée de rendre l'objet ludique, je tente de le faire glisser dans tous les sens possibles: en marche arrière, allongé dans le mauvais sens... et même retourné à l'envers (la dérive à l'air et la tête sous l'eau). Mais rien n'y fait: la locomotive n'accepte d'avancer que sur ses rails.

Voyant une série alléchante (eu égard aux conditions du jour) se pointer, j'affiche haut et fort mes intentions "J'annonce, pas de règles". S'il est légitime pour l'inconnu qui nous tient compagnie de ne pas encore savoir à quoi s'en tenir, je suis en revanche d'avantage surpris de voir mon pote commencer à ramer, comme si je n'étais pas sur le point de délibérément tenter de lui faire du mal. Parti loin sur l'épaule, il me devance sans effort tandis que je pompe comme un forcené en hurlant "CHAAAAARGE" à sa poursuite. En voyant la scène, notre nouvel ami décide de prendre un peu de recul.

A force de ramer sur tout ce qui passe pour tenter des trucs débiles dans l'espoir d'échapper à l'ennui, je me retrouve périodiquement sur la même vague que mon compagnon aux cheveux d'or et au regard d'azur. Cependant, malgré mes invitations répétées au partage, celui-ci préfère abandonner sa vague à mon profit plutôt que de tenter une glisse en tandem. "Tu sais, si c'est parce que tu as peur d'abîmer le matériel, il ne faut pas t'inquiéter: j'ai l'habitude de... payer les réparations" lui dis-je dans une tentative maladroite de le rassurer. Je devine cependant que mes mots on fait mouche car il s'engage avec moi sur la vague suivante (des observateurs pointilleux diront certainement que je l'ai juste taxé comme un porc, mais c'est faux. La preuve: puisque je vous le dis!). Hélas, me jugeant trop éloigné de mon partenaire chorégraphique, je tente un cut-back suivi d'une grosse faute de carre qui se termine en jeté de planche dans les pattes de l'innocent. En ressortant ma tête d'ahuri de l'eau, j'ai le sentiment indicible que je viens de renforcer considérablement le capital confiance de mon pote à mon égard.

Et pourtant, il ne faudra attendre qu'une poignée de minutes pour que l'inconscient accepte de retenter l'expérience, ramant sur une droite dans laquelle j'étais déjà engagé de façon ostentatoire. Alors, enfin, le miracle se produit: ondulant avec prudence pour éviter de lui balancer une nouvelle torpille, nous déroulons côte à côte en un timide nose ride cette vague qui nous offre à tous les deux quelques longues secondes de complicité. Rengorgé par cette proximité retrouvée, je me sens pousser des ailes, allant jusqu'à tenter de faire le poirier sur les vagues suivantes... Note pour plus tard: penser à apprendre à faire le poirier à terre avant d'en tenter un sur l'eau.

Encouragé par le spectacle, le troisième larron (qui enchaîne de son côté, et avec classe, les vagues dans les positions les plus improbables qui soient) m'encourage à partager avec lui une vague que j'étais sur le point de lui céder pour cause de priorité: "Il y a de la place! Viens!". Hélas, mes neurones mettent trop de temps à se connecter et je manque, pour l'instant, cette opportunité de faire plus ample connaissance.

Avant de mettre fin à cette session, Jörgstein ayant rendez-vous avec Jean-Dieu, je décide de m'essayer au air-air. Le concept est assez simple: c'est une spécialité du air-surf (l'équivalent surfistique de la air-guitar) qui consiste à envoyers des airs (sans la planche, du coup...). Le résultat pourrait certes donner au profane l'impression que je saute simplement de ma planche, mais de tous temps le génie a été incompris et jalousé. Car je ne me contente par de sauter de ma planche: je grabbe mon air-rail et envoie des air-roundhouse que je replaque sans faillir sur ma air-planche... Du grand art!

Cette bouffée d'inspiration artistique prend fin au moment où, ratant mon air-atterrissage, je file un gros coup de air-genou sur le air-fond, mettant ainsi un terme à mes velléités acrobatiques. J'entreprends alors de rejoindre le bord à la poursuite de mon pote, déjà torse nu dans la zone blanche. Le bougre ne peut en effet pas s'empêcher d'exhiber ses pectoraux velus de dieu Viking à la suite d'une session bien virile telle que celle-ci. Pour aller jusqu'à lui, je choisis une vague déjà prise, mais sur laquelle je crois à tort être invité par son occupant légitime, saisissant ainsi l'opportunité auparavant manquée de pratiquer le ballet à deux avec le presqu'inconnu. Un instant plus tard, je réalise mon erreur: que je viens ni plus ni moins de coller un vilain drop au gentil monsieur. "Mais d'où te vient ce talent?" Me demande la victime. "J'en sais rien Pam', les dieux me transportent, voilà tout!" lui réponds-je, paraphrasant au passage l'icône populaire du surf niçois.

Suite à cet exploit, je m'empresse à mon tour d'offrir aux gravelots le spectacle de ma musculature pectorale (les mauvaises langues diront "mes nichons de mec"), avant de rentrer chez moi pour attendre le livreur qui m'apporte aujourd'hui ma nouvelle Mystery Box 2.0...

En espérant avoir bientôt une occasion de l'essayer!

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R
Allez, avoue qu'en retirant le facteur noctune et merde-du-matin-dans-les-yeux, une fois à l'eau il y avait bien un bon 50cm à la série ! L'idée nous a même traversé l'esprit de troquer nos troncs contre des petites planches ! Mais on a été raisonnable, pour une fois (s'évitant par la même un enième allez-retour sur les cailloux pointus du chemin de ty hoch, malins)..
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U
Hors de ma vue! Maudit tentateur... Tu as tenté de semer dans mon esprit le germe du doute. Comme si ce n'était pas assez difficile comme ça de me résigner à faire du longboard...
C
Je me demande limite si ce n'était pas mieux sur les grandes plages que sur la côte sauvage... à port patate ce n'était pas fameux. Sur mon check à mane gwen ça paraissait sympa mais petit et aussi gros que la côte, deux lb sortant de l'eau était ravis des conditions.
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U
Ouais... Des lb kwa :-D