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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Homeland II, le retour

Sur mes terres natales, 9h.

En temps normal, j'aurais réfléchi longtemps pour choisir mon repli un jour comme aujourd'hui. Entre 7 et 8 mètres de houle enregistrés à la bouée de belle-île, des rafales plein ouest à plus de 40 nœuds... Il ne fait aucun doute que les spots exposés sont ultra-saturés et que la chasse aux replis est ouverte. En d'autres circonstances, j'aurais égrené toutes les options de ma connaissance en pesant le pour et le contre, cherchant à minimiser le temps de trajet tout en maximisant les chances de trouver une vague exploitable et de ne pas rentrer brocouille... Mais aujourd'hui n'est pas un jour ordinaire. Aujourd'hui, le destin m'a envoyé chez mes parents pour cause de réveillon anticipé, à quelques mètres d'une poignée de spots tellement improbables qu'ils ne fonctionnent que quelques jours par an. Et aujourd'hui, ils fonctionnent!

Levé aussi tôt que mes excès alimentaires me le permettaient, j'avais avalé un petit dèj' à la hâte pour partir checker, fébrile, des replis plus secrets encore qu'un coin à champignons. Arrivé en haut de la route qui connecte l'impasse parentale au réseau routier secondaire, je renouais avec le réseau cellulaire pour envoyer mon premier message à papa_école_surfeur: "La tournée commence..."

Cinq minutes plus tard, me voilà devant mon premier check. Ici, la côte se découpe en une série de pointes rocheuses acérées entre lesquelles le sable et la vase s'accumulent pour former des micro-plages peu propices à la baignade, car minées de patates difficilement décelables au travers l'eau rendue opaque par les dépôts organiques. A chaque pas sur le haut de plage, mon pied s'enfonce dans le sable qui recouvre les bancs d'algues en putréfaction, laissant s'échapper la douce fragrance iodée caractéristique de ce bord de mer. Les eaux de pluie se déversent d'une canalisation avoisinante en un torrent marron et malodorant. Le tableau fait vraiment rêver... Et pourtant, devant moi, ce sont bel et bien des séries à 50cm, un peu molles mais incroyablement calées, qui déroulent nonchalamment avant de venir s'écraser au pied de la pente créée par la plage. Première photo, premier report. Mon acolyte est dans les starting blocks.

Pour le deuxième check, j'ai choisi une large baie ouverte à l'est, très bien abritée du vent et alimentée en houle par la diffraction de la pointe avoisinante. Hélas, pour l'instant la mer est trop basse pour que les ondes puissent pénétrer efficacement, et si je distingue quelques beaux morceaux au large, les vagues atteignables à la rame sont courtes, molles, et irrégulières. Les photos ne donnent rien, je reprend ma route.

Face à cette cuisante déception, je reviens pour mon troisième et dernier check sur le premier parking, mais avec l'intention cette fois d'explorer les pointes rocheuses plus en avant, dans l'espoir d'en trouver une dont la configuration soit propice à un reef break puissant. A peine garé, je constate que, durant les quelques minutes qui se sont écoulées depuis mon départ, la mer a suffisamment monté pour que la houle parte en shore-break sur le haut de plage à présent à portée de marée. Loin de me décourager, j'entreprends de longer la côte, que je sais irrégulière, pour trouver un endroit encore épargné par la montée des eaux. Après avoir parcouru quelques centaines de mètres à peine, mon téléphone sonne. Papa_école_surfeur ne tient plus en place, il prend la route. Je lui envoie les coordonnées GPS de mon camion, et décide de l'attendre bien au chaud, dans l'eau, juste en face du parking.

De chaque côté de mon carré de vase attitré, une pointe rocheuse fait déferler la houle vers l'intérieur de l'anse. Je commence par aller tester la droite qui semble plus consistante puis, après un certain nombre de faux départs, je jette mon dévolu sur la gauche pour voir si ça se passe mieux. Hélas, même avec mon Evo, difficile de déclencher un planning de plus de quelques mètres. Mon rencard en route pour me rejoindre, j'hésite à m'éloigner trop du parking, ne sachant pas s'il saura dans quelle direction me chercher. Je me contente donc de marcher une timide centaine de mètres pour aller tester une vague plus explosive, mais aussi plus proche d'un récif qui affleure dans le creux laissé par le ressac.

Le shore-break franchi sain et sauf, je me retrouve à patauger dans une épaisse soupe d'algues qui s'avère rapidement me bloquer au take-off. Au bout d'une petite quinzaine de minutes partagée entre des vagues ratées faute de vitesse et des luges au ras des patates, je vois enfin poindre mon partenaire de glisse. On va pouvoir passer au choses sérieuses!

Le temps qu'il se change, je remonte au camion pour troquer l'Evo contre la Mystery-box. Ainsi équipé, je n'aurai plus aucun scrupule à aller chatouiller le shore break au ras des caillasses, d'autant que la combinaison du casque et des chaussons me procure une sensation de sécurité propice à l'insouciance. Une fois prêts, nous marchons vers l'est à la recherche de la pépite que je n'avais ni osé, ni eu le temps d'aller dénicher. Sur le chemin, nous passons devant une droite bien pêchue, bien qu'un poil trop près du rivage pour être durablement exploitable. "Bah, si ça ne fonctionne pas plus loin, on pourra toujours se finir ici!". Puis, à l'issue d'une sympathique promenade, nous décidons de tester une anse plus large que les autres, dans laquelle des séries -aussi hautes que nous- viennent exploser à plusieurs dizaines de mètres de la plage.

Nous traversons tout d'abord la bande de sable sec, en présumant un instant que son homologue mouillé doit recouvrir la majeure partie de la baie, avant de nous jeter à l'eau. La pente est raide et je n'ai bientôt presque plus pied lorsque, attiré vers le large par le ressac, mon genou heurte une grosse patate. "Ah, il semblerait qu'il y ait un caillou ici!" glisse-je à mon partenaire qui, lui, se tient carrément debout à côté de moi sur la dalle rocheuse, avec de l'eau à peine plus haut que les chevilles. Pendant de (trop) longues minutes, nous explorons la zone, nous faisant projeter par les séries les plus puissantes contre les innombrables roches immergées. Mon leash coincé sous une caillasse en forme d'hameçon, ma planche et moi nous faisons littéralement aspirer par le fond et bloquer plusieurs secondes sous l'eau à l'arrivée d'une grosse vague. Pendant ce temps, papa_école_surfeur tente de passer en force à la rame, et frotte ses dérives d'une manière assez déplaisante. "C'est n'importe quoi, on ne peut pas continuer comme ça!" nous accordons-nous rapidement à dire. Tentant de retourner au bord tant bien que mal, je me fais arracher la planche des mains alors que je suis à quatre pattes sur une patate tranchante, et celle-ci me revient dessus quelques secondes plus tard, s'écrasant sur mon pouce droit, que je sens se retourner en une douleur fulgurante caractéristique de l'entorse. Heureusement que l'eau est froide, ça luttera contre l'inflammation le temps de sauver la session!

De retour au sec, nous analysons la situation sous l'éclairage de nos connaissances nouvellement acquises. Si les vagues explosent ainsi au cœur de la baie, c'est parce qu'elles déferlent ni plus, ni moins, sur un gros reef qui leur donne toute leur puissance. Toute tentative d'aller s'y frotter sans d'avantage de connaissance du site reviendrait à prendre un risque inconsidéré. Après avoir pris note de revenir inspecter les lieux à marée basse, nous décidons d'aller sauver les meubles sur la droite dénichée en chemin.

En notre absence, la vague n'a pas bougé. Elle semble même s'être stabilisée un poil plus au large. En revanche, notre récente déconvenue nous a quelque peu échaudés quand au risque de tomber sur des roches. Pour montrer l'exemple et nous donner du courage, je me jette à l'eau sans faire de manières. Ici aussi, la plage descend vite, mais j'ai la bonne surprise de constater que, même s'il y a quelques récifs sous nos pieds, ceux-ci sont recouverts par plus d'un mètre cinquante de flotte et ne constituent pas un danger immédiat. Une fois placés, nous cherchons un instant nos marques, avant d'enclencher durablement le mode gavage.

La vague est plus haute que moi, puissante, explosive. Elle ne laisse pas le temps pour la manœuvre mais procure des accélérations supra-luminiques, surtout lorsqu'elle se reforme en s'approchant du rivage pour finir en gros shore break ravageur. Après des descentes complètement dingues, il m'arrive la plupart du temps de finir allongé sur le sable, avec des petits bouts d'algues et de coquillages pleins les orifices. Pendant pratiquement une heure, j'enchaîne les claques pendant que papa_école_surfeur fait le gourmand en se laissant pousser dangereusement près de la pointe est. Plusieurs groupes de promeneurs s'arrêtent pour profiter du spectacle, surpris de trouver des surfeurs à un tel endroit sans doute, étonné par notre insouciance à coup sûr.

Alors que la mer continue de monter, et que l'eau s'insinue derrière la roche qui forme la droite, celle-ci commence à ouvrir de plus en plus régulièrement à gauche après avoir enroulé la pointe. Nous en profitons pour nous payer quelques glisses frontside surréalistes, au cours desquelles je me fait régulièrement enfermer dans le tube formé par le shore break, sans toutefois bénéficier du moindre espoir de sortie. Les touillades sont d'autant plus légendaires que les vagues semblent de plus en plus grosses.

Lorsque le régime de déferlement prend fin, aidé par une mer à présent trop haute, je suis en miettes mais heureux d'avoir sauvé une session qui avait démarré plutôt mal. Sortis de l'eau sans difficulté, nous pensons un instant tenter notre chance juste au pied du parking, mais la gauche qui se dresse à présent devant nos voitures déferle au dessus de la roche, dans quelques centimètres d'eau à peine. Ce sera pour une autre fois.

Nous commençons à peine à nous changer lorsqu'un grain aussi inattendu que violent nous tombe dessus sans crier gare. A l'abri dans nos véhicule respectifs, nous regardons, amusés, la pluie remplir nos bacs à combi respectifs restés dehors, et s'occuper ainsi à notre place du rinçage.

Avant d'abandonner définitivement mon compagnon à son sort, étant moi-même attendu par ma famille pour le match retour du réveillon anticipé, je fais un rapide crochet jusqu'à la baie du "check n°2" pour lui faire découvrir l'endroit. A ma grande surprise, pas moins de trois initiés profitent à présent du spot qui, à cette heure de marée, laisse désormais rentrer de belles séries (surtout sur la gauche de la mise à l'eau, où la vague enroule de façon intéressante avant d'atteindre les galets). Un instant, papa_école_surfeur insinue même que c'est ici que nous aurions dû venir, mais j'estime personnellement que nous n'avons rien à regretter de notre périple. D'autant qu'aucun indice ne laisse à penser que la baie ait pu fonctionner une demi-heure plus tôt.

A l'heure où j'écris ces lignes, je crois savoir que mon acolyte s'est offert une deuxième session dans la baie, et qu'elle en valait la peine. Grand bien lui fasse! J'avais pour ma part des obligations familiales à honorer. Pour autant, je n'éprouve pas la moindre frustration à l'évocation de ce rendez-vous manqué. Elle me suffit amplement, la satisfaction d'avoir une fois de plus surfé sur la mer de mes ancêtres.

A second session in my homeland...

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H
Pour avoir été checker la zone, vous avez du vous gaver en bonnet haut-de-forme ! ça faisait bien longtemps que je n'avais vu pareil houle rentrer dans le coin ! L'approche de Noël et la présence de la marmaille m'a poussé à faire l'impasse sur cette session, mais je crois que je vais m'en mordre les glaouïs de nombreuses années !!!
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U
C'était une occasion rare en effet. Prions pour qu'il y en ait d'autres.