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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Le niveau au dessus

La guérite, 8h45.

Il fait jour, déjà. J'aurais pas dû faire la grasse mat' jusqu'à 7h30. Une demi-douzaine de véhicules déverse son flot de surfeurs affamés sous le soleil levant. Ce n'est plus le moment de traîner! Du haut de la dune, je vérifie les conditions et envoie mon rapport à papa_école_surfeur qui attend un signal positif pour sortir du lit. Sans personne à l'eau pour servir d'échelle, difficile de se faire une idée... Mais j'estime qu'il y a un bon 30 cm à la série, mon compatriote restera sous la couette. De retour au camion, je repère un type sortir le shortboard de sa Kangoo en mode rush/panique. Je devine sans peine qu'il me devancera à l'eau, mais pourquoi une telle précipitation? C'est propre, certes, ça ouvre, indéniablement, mais ça a quand même l'air un peu petit. Non? D'ailleurs, en ce qui me concerne, le choix de planche est tout vu: ce sera l'Evotwin, parce que c'est ce que j'ai de plus volumineux.

Comme prévu, j'arrive sur le spot en deuxième position. Le gars qui m'a précédé rame déjà en direction d'une série qui arrive par le nord. J'ai tout juste le temps de m'allonger sur ma planche et de commencer à ramer, que je vois mon concurrent débouler à mach 2 sur une longue droite qui lui monte jusqu'à la poitrine, et shredder comme un maître ninja. A la poitrine? Bordel, à moins que ce type soit un Ewok en combi (ce qui ne semble pas être le cas), je crois que mon "30 cm à la série" constitue l'une de mes plus grosses erreurs d'appréciation de cette nouvelle année! C'est clairement le niveau au dessus là... Vu d'ici, on dirait plutôt 1m30, et qui pousse raisonnablement fort de surcroît. Il faudra que je pense à m'excuser auprès de papa_école_surfeur pour le tuyau percé.

Subitement, je partage le sentiment d'urgence manifesté par l'autre surfeur. De telles conditions ne vont pas rester confidentielles longtemps. Il est grand temps de scorer avant que les peaks ne saturent de monde! Et comme le seul peak déjà occupé est manifestement celui qui fonctionne le mieux, je fais mon bon gros surfeur et m'empresse d'aller doubler sa densité de population. Avec tout le respect qui s'impose vis à vis de mon prédécesseur, je chope ma première gauche après m'être assuré qu'il était parti à droite. Take-off, bottom, roller, mousse: Voilà de quoi commencer du bon pied! Rallongé sur ma planche, je regarde où en est rendu "l'autre" sur sa droite. C'est pour moi l'occasion de découvrir les stickers collés sous la carène de son shortboard, puisque le mec replaque ni plus, ni moins, qu'un air bien propre juste sous mes yeux. Ooook. Ici aussi, c'est clairement le niveau au dessus.

Entre les airs, les floaties et les 360° qu'il envoie sans transpirer, le type assure le show. Évoluant dans son voisinage immédiat, je fais de mon mieux pour ne pas me ridiculiser plus que nécessaire. Une longue droite me permet de valider une paire de rollers juste sous le nez de John Air qui remonte au peak. A défaut de rester dans les annales, ma performance me permet au moins de prouver que je ne suis pas venu seulement pour faire la bouée. On ne peut pas en dire autant de bon nombre de nouveaux arrivants qui, malgré des planches de toutes tailles, ne surfent pas à haute fréquence. A mon humble avis, la plupart d'entre eux son placés trop haut, beaucoup trop haut, pour pouvoir espérer choper quoi que ce soit. Mais je me garde bien de le leur signaler, profitant au contraire de cette aubaine pour récupérer toutes les vagues qu'ils ratent, et qui déferlent à ma hauteur.

Alors que je balaye l'horizon du regard à la recherche de la prochaine série, un détail inhabituel attire mon attention. Une balise noire-rouge-noire surmontée d'une sphère noire signale, à quelques centaines de mètres au nord, un danger isolé. De mémoire, cette balise n'était pas là lors de ma dernière visite... Se pourrait-il qu'une épave soit venue s'échouer avec les récentes tempêtes? Je me perds en conjectures sur la présence de cette signalétique incongrue lorsque je vois soudain la susdite balise se déplacer en battant la surface de l'eau avec... une pagaie? Ah la vache, je me suis fait berner par un SUP-caméléon! A ma décharge, le mimétisme était parfait: jambes noires, chasuble rouge, et même une cagoule noire pour reproduire la sphère... Ya pas à chier, c'est le niveau au dessus. N'importe quel marin se serait fait avoir.

Rassuré sur l'absence de danger, je reprends le cours de mes activités surfistiques. Toujours à proximité de John Air, dont je suis loin d'égaler le compte de vagues, j'essaie tant bien que mal de garder le rythme. Nos rotations au peak se font naturellement, et nous arrivons à évoluer sans nous gêner mutuellement. Après avoir dû refuser une vague qui menaçait de me déposer droit sur la tête de mon partenaire d'un jour, me voilà en train de ramer sur la même droite que lui. Constatant qu'il s'est engagé sans difficulté, j'avorte mon planning un peu tard, et avec la crainte de lui avoir fait obstacle. Alors qu'il pompe vigoureusement, sa planche claque à la surface de l'eau, dangereusement près de mes oreilles, au moment de passer devant moi. Je profite de la vague suivante pour le rejoindre et lui demander si je ne l'ai pas involontairement dérangé: "Non, non, aucun problème!" me répond-il. La grande classe, le niveau au dessus.

Remonté comme un coucou suisse, je m'offre une longue gauche qui termine en cuvette et sur laquelle je profite de nombreuses reformes. Le grand panard. Mais l'heure tourne et après quelques derniers rollers backside, j'estime qu'il est temps de rentrer. Cela fait un an pile poil que j'ai rédigé cet article, et ma famille m'attend pour fêter l'événement. Une dernière gauche un peu trop molle pour slasher mais assez longue pour me ramener jusqu'à la plage et me voilà en train de marcher sur le sable a destination de mon quivermobile. Sur la route, une femme shoote les vagues au téléobjectif. A mon arrivée, je la vois tourner son trépied dans ma direction. De peur qu'elle aille véhiculer mon image sur dieu sait quel réseau social, je m'arrange pour tirer sur ma cagoule jusqu'à avoir atteint l'abri de la dune.

Une fois changé, je me prépare à partir quand John Air débarque au cul de sa Kangoo. Un instant j'hésite à lui adresser la parole pour le remercier de m'avoir laissé lui tenir compagnie sans broncher au cours de cette session, mais je n'ose pas passer à l'acte. Je réalise que le mec m'impressionne.

C'est clairement le niveau au dessus.

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J
Oui. Je l'ai vu également. C'était fluide et il scorait à chaque fois. Sans payer de mine, mais terriblement efficace.
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U
Et bigrement énervant !
C
Belle sess hier effectivement. Est ce que john air était blond ?
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U
J'ai hésité à relever son immatriculation :-)
C
vu le level que tu décris je ne pense pas que le gars soit un amateur =) on finira bien par trouver.
U
Il était encagoulé. Mais la trentaine, c'était pas un des groms locaux