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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Instinct grégaire

La guérite, 6h.

Encore un réveil matinal pour éviter la foule. A défaut d'être le premier sur le parking (trois bagnoles y ont manifestement passé la nuit), je suis le premier à l'eau. Les conditions ne sont pas fameuses mais c'est certainement le créneau le moins pire de la semaine. Et encore, si on devine que la houle a dû être potable pendant la nuit, le vent commence à rentrer et ça sent la merde à court terme. Je me dépêche donc de faire mon quota avant que les choses ne tournent au vinaigre.

Une petite droite assez longue pour caler deux virages, quelques gauches qui creusent pseudo aléatoirement, et déjà le plan d'eau devient franchement brouillon. Les opportunités de take-off s'espacent et les vagues se comportent de façon de plus en plus imprévisible. La couverture nuageuse masquant le lever de soleil, je ne peux même pas profiter du spectacle. En revanche, au rayon des bonnes surprises (parce qu'il y en a quand même), l'eau est incroyablement tiède et j'éprouve un plaisir simple à laisser mes mains trainer à la surface de l'eau et sentir les courants tantôt chauds, tantôt froids, glisser entre mes doigts.

Inévitablement, je vois poindre au sommet de la dune la tête de l'un des campeurs du parking, celui qui a passé la nuit dans sa 206. J'éprouve de la pitié mêlée de respect en imaginant le confort tout à fait précaire dans lequel il a dû dormir. Moi dont le dos hurle de douleur à la simple idée de devoir passer une nuit sur le matelas logé dans les 2m du coffre de mon camion, je n'imagine que trop bien l'état dans lequel on se réveille après avoir dormi en boule sur une banquette arrière. Enfin bref, rien que pour ça le gusse a largement mérité sa place au peak. Ou plutôt devrais-je dire "sur le champ de bataille", parce que de peak, pour autant que je puisse en juger, il n'y en a pas de clairement défini.

Nonobstant cette absence d'endroit idéal pour choper une vague, mon nouveau compagnon rame droit dans ma direction, poussé sans doute par cet instinct grégaire qui fait que les surfistes s'agglutinent toujours les uns aux autres quel que soit l'espace disponible. Il se pose à moins d'une dizaine de mètres de l'emplacement sur lequel je fais la bouée depuis un petit quart d'heure. Loin de regretter cette compagnie impromptue, je ne peux néanmoins m'empêcher d'être chaque fois surpris par cette nécessité de venir se coller à moi. Nous nous saluons d'un geste amical avant de retourner à nos ridicules tentatives de glisse.

La cohabitation se fait sans aucun souci et je n'ai rien à reprocher à ce compagnon d'infortune qui me régale de temps en temps du spectacle d'un enfournement olympique. Mais quand même... Aussi loin que porte mon regard, de Mane Guen à Kerhilio, il n'y a pas un chat. Les vagues pètent partout pareil et nulle part comme il faudrait. Et pourtant, vague ratée après vague ratée, nous nous replaçons invariablement côte à côte. (Et je dis "nous" parce que je suis à 50% responsable de cette situation sachant que pour être collés l'un à l'autre il faut être deux, et que je n'ai pas fait non plus l'effort d'aller voir ailleurs.)

Plongé dans mes réflexions, je ne vois même pas arriver le troisième larron. Le type, un longboarder à l'air amical apparaît littéralement entre moi et mon nouvel ami. "Mais pourquoi?" m'exclame-je en mon fort intérieur. Le mec a tout l'océan atlantique pour lui, et il choisit de venir se planter pile entre les deux seuls paumés à cinq bornes à la ronde (qui plus est, espacés d'à peine une longueur de quivermobile). Alors évidemment à cette heure-ci, aucun risque de tomber sur un connard de base venu ragasser les non-vagues: le nouvel arrivant la joue super réglo. Même placé en priorité, il nous cède les rares pentes exploitables (avec nos shortboards) dès que nous affichons la moindre velléité de rame. Mais bordel, pourquoi se donner cette peine alors qu'à dix mètres de là, il n'y a personne à qui céder quoi que ce soit? Doit-on y voir le fruit d'un bagage génétique qui nous prédispose à une attraction réciproque, tels des corps célestes en errance dans le vide spatial? Ou bien ce phénomène répond-il à un besoin de sécurité ("s'il m'arrive quelque chose, je ne serai pas tout seul")? Je n'en ai aucune idée, mais ce qui est sûr c'est qu'à ce stade nos positions respectives ne peuvent pas être le simple fruit du hasard.

A peine dix minutes plus tard: bingo. Un quatrième surfiste se met à l'eau et nous fonce droit dessus. Il faut dire que nos masses conjuguées génèrent à présent une force d'attraction décuplée, eu égard à la formule "F = G x (m1 x m2) / r2". Je n'aurai pas l'occasion d'observer le phénomène plus longtemps, car il est temps pour moi d'aller au boulot. Profitant d'une vague inespérée, je pose un presque roller avant de finir dans la mousse pour rejoindre le bord grâce à la légendaire technique du phoque gris. De retour dans le parking, j'observe amusé les voitures agglutinées autour de mon camion: apparemment, les véhicules aussi sont soumis aux effets du théorème dit "de la mouche à merde en présence d'une bouse de vache".

Mais moi, je suis au dessus de tout ça. Les lois de la physique ne s'appliquent pas à ma personne. La preuve: à peine une demi-heure plus tard, je gare mon camion dans la zone la plus peuplée du parking avant d'aller me coller dans la seule salle déjà occupée du bureau.

Au dessus de tout ça je vous dis!

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C
Il y a un mélange de pleins de choses, les gars qui ont la flemme de lire les peak et qui se disent si il est là c'est forcément bien, les courants, la proximité de l'entrée du spot , la sécurité , l'esprit surf (lol) , l'attraction surnaturel d'un surf blanc écarlate , l' instinct grégaire . <br /> Bref la totale.
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U
Et bien sûr mon sex appeal, come le faisait remarquer à juste titre mon beau père !
T
r^2 pas r, t'as rien appris à l'école toi ? ;o)
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U
Pour la peine, j'ai même rajouté le G. T'as rien appris à l'école toi! :-P
U
C'est pas ma faute! L'éditeur de texte a bouffé mon exposant!
D
J'avoue que le côté sécu peut se comprendre mais de là à être en mesure de se tenir par le leash.
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