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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Réconciliation

La guérite, 7h.

Après une session mitigée hier à la côte so (réveil à 5h du mat pour une petite houle molle, du brouillard que depuis port pigeon on ne voyait plus la patate de port blanc, et l'arrivée de la foule dès que les choses commençaient à se caler...), je n'attendais pas grand chose de cette sortie, si ce n'est passer un bon moment avec mon copain moustachu.

Nos excès éthyliques de la veille et un réveil outrageusement matinal (si, si, quand on est à 5g, 6h15 du mat' c'est outrageusement matinal) destiné à nous éviter le bain de foule du samedi matin, ne sont récompensés que par un gros mal de crâne et des conditions vraiment limites: proportionnellement à leur taille, les vagues sont assez puissantes... Mais le souci c'est juste qu'elles ne dépassent que rarement les 30cm. Dans ces circonstances, aucun de nous n'espère évidemment décrocher la vague d'or. Avec l'Evo comme "grosse planche", il me faut redoubler d'efforts pour choper la moindre vague. Mon copain lui, plus raisonnable, déroule les lignes en mode chill sur le Malibu de sa femme. Surmontant nos accès de migraine, nous nous contentons d'enchaîner les petites glisses minables en rigolant comme des ados potaches de nos propres conneries.

Au bout d'un moment cependant, et par un hasard insolent, je réussis à m'offrir la plus belle gauche de la matinée (comprenez: la seule potable) quelques minutes avant d'avoir atteint mes limites physiques d'ivrogne en plein sevrage: Idéalement placé dans le ... bowl, j'enchaîne pas moins de deux virages, dont un qui envoie une gerbe d'eau (!), avant de me retrouver scotché dans l'écume comme une drosophile sur un papier tue mouche. Mes maigres capacités cognitives encore en état de marche m'indiquent que ça n'est même pas la peine d'attendre que ça se reproduise, et encore moins d'espérer faire mieux. Les minutes qui suivent confirment cet état de fait: je n'arrive même plus à déclencher le moindre planning entre deux crises de méningite.

Pour ne rien arranger, un balayeur des mers s'entiche de notre binôme et nous tourne autour tel un prédateur impitoyable. Non content d'aller chercher les priorités au large, il pousse le vice jusqu'à venir à notre hauteur pour snaker par en dessous. Du jamais vu! C'est à dire que le mec, lorsque j'ai la prio, vient se replacer entre moi et le peak, mais en passant *devant* moi au lieu de *derrière*. Donc là, je rame pour faire mon take-off, et je vois un type débouler par le côté, me couper la route et se mettre à pagayer à moins d'1m devant mon nose en agitant son arme blanche à quelques centimètres de mon crâne. Mes choix se limitant alors entre refuser la vague ou grimper sur sa péniche comme un teckel en rut sur un camion de hot dogs après avoir essuyé une paire de baffes en fibre de carbone, on imagine aisément que, vu ma forme olympique, je n'ai pas tenté l'option "accouplement".

Donc là, au moins c'est clair: l'été est arrivé, avec son lot de touristes arrivistes fraichement habillés avec la dernière collection "prêt à surfer été-été" de chez Décathlon, et pour qui le respect, comme les règles de sécurité, sont des concepts parfaitement superflus. Après tout, vu le prix exorbitant de leur location et du matériel flambant neuf acheté pour l'occasion (et qui ne servira tout au plus qu'une semaine avant d'aller décorer les murs de leur T2 de banlieue), pourquoi se faire chier à respecter des gens qui ont tout le reste de l'année pour en profiter, et qu'ils ne reverront de toutes façons jamais de leur vie... J'ai un pincement au coeur à l'idée que, cette année encore, je vais baisser mon froc face à cette horde parasitaire et laisser mes planches prendre la poussière pendant que j'irai voir ailleurs si j'y suis.

Bref, ce petit manège ne prend fin que lorsque mon ami et moi échangeons nos planches, ce qui me permet d'aller chercher quelques séries plus loin et à l'écart. A l'aide de mon banana-split d'emprunt, je profite de quelques glisses supplémentaires, mais qui ne risquent cependant pas de rester dans les annales (avec deux "n", j'insiste). Toujours aussi radin sur la wax, mon pote n'en a étalé que deux galettes de la taille d'une chaussure pointure 43, à l'endroit approximatif où lui pose ses propres pieds (c'est à dire beaucoup plus en avant que moi). A la moindre tentative de reculer mes appuis pour resserrer les virages de mon super-tanker, mes pieds se mettent à glisser sur un pont parfaitement lisse, ce qui a pour conséquence une succession de gamelles de toute beauté. Renonçant à shredder avec une planche qui, de toutes façons, n'est pas faite pour ça, j'opte pour une approche plus ludique (ou bordélique, selon le point de vue) qui consiste à tenter de prendre une vague dérives en avant, pour enchaîner sur un 180°. Malgré un nombre considérables de tentatives, sous le regard affligé d'un type au look badass qui a l'air de penser que je ne le fais pas exprès, j'échoue systématiquement à terminer ma rotation, la planche refusant de prolonger son dérapage latéral dès lors que ses dérives accrochent la surface de l'eau.

Au moment de récupérer l'Evo, un choix difficile s'offre à moi: Mes chances de déclencher un nouveau planning avec cette planche sont proches du zéro absolu, et la seule board du quivermobile susceptible de mieux s'en sortir n'est nulle autre que le longboard que j'avais amené dans l'éventualité de devoir faire du tandem avec un gosse (ou mon pote). Longboard sur lequel je m'étais promis de ne plus jamais surfer étant donné l'absence totale de plaisir qu'il me procure. "Et puis de toutes façons, me dis-je en mon fort intérieur, avec un single de 12, je vais surtout déterrer les palourdes vu comme les vagues déferlent près du bord". C'est alors que l'idée qui allait sauver cette session vint à moi sans crier gare: si la dérive pose problème, il n'y a qu'à virer la dérive!

Ni une, ni deux, me voilà remontant vers le parking avec l'Evo sous le bras, croisant sur la route un nombre tout simplement hallucinant de familles entièrement équipées de knackis et bodyboards "Olaian", vêtues de combinaisons neuves dont certaines ont encore l'étiquette qui pendouille à la fermeture éclair. J'estime qu'il doit être dans les 9h du mat, le rush hour a commencé. Quelques secondes plus tard, du haut de la dune qui domine le parking, je compte pas moins de 6 rangées de bagnoles garées à touche-touche. Le bordel commence progressivement à remonter le long de la route. C'est la fête, vive l'été.

Dans le coffre, mon long-bored m'attend, solidement sanglé au plafond et privé de sa dérive pour bien épouser les courbes de mon camion. La dérive, justement, est de toutes façons carrément inaccessible, rangée dans une caisse quelque part sous la pile de planches de mon pote. J'y vois un signe du destin. Le grand ordre cosmique me donne raison: cette session finira finless ou ne finira pas! En reprenant la direction de la plage, un comité d'experts qui grimpe la dune avec le leash de leur paddle gonflable solidement attaché à la cheville se permet une aparté à mon sujet: "-Eh, t'as vu le gros Cook! Il a oublié de mettre une dérive... -Pas si fort, il va t'entendre!". Les ignorants! S'il savaient à qui ils ont à faire... Ils auraient de bien meilleures raisons de se foutre de ma gueule!

De retour à l'eau, la récompense est immédiate: Privé de sa dérive, mon long-bored redevient un objet de plaisir! Si je n'accomplis pas tout de suite de miracle, déstabilisé en premier lieu par le nouveau comportement de mon flotteur, le potentiel de funitude du bazar est tout simplement énorme. Premier constat, avec un placement habituel au take-off, la planche part direct à l'équerre. Il me faut soit reculer mon centre de gravité pour planter le tail et rester en ligne, soit accepter de tenter la manoeuvre en mode "drift", avec ce que cela implique de moulinets ridicules et de gamelles... Le pied total. Une fois debout, les choses reprennent une tournure plus classique et prévisible dès que l'on plante le rail: l'absence de dérive se fait alors presque oublier et la planche file à la poursuite de la section dans un ride pépère "down the line". En toute logique, j'évite donc au maximum de planter le rail ou, encore mieux, de le planter juste le temps nécessaire pour prendre de la vitesse, avant de le décrocher subitement pour déclencher glissades et rotations presque contrôlées.

Evidemment, avec 9' sous les pieds, la planche ne pivote pas comme un mini-simmons, mais en jouant sur mes appuis (et en utilisant ma main comme une pagaie), j'arrive à la coller à 90° et même en marche arrière, sans pour autant me faire sortir de la vague. La grosse poilade. Mes tentatives de rotation complète n'aboutiront cependant pas, faute de négocier correctement le dernier quart de tour. Les échecs successifs qui en découlent offrent néanmoins un beau spectacle, et je m'amuse du regard médusé des experts (ceux qui, quelques minutes plus tôt, fustigeaient ma bêtise) sous les yeux desquels j'enchaîne les 180° une main collée au rail, avant de partir en vol plané sur une faute de carre.

Vu comme le col de ma combi me brûle dans le cou, j'estime que ça doit bien faire trois heures et demi que nous sommes à l'eau. La descente éthylique est rude et les accès de migraine se multiplient sous les effets conjugués de la déshydratation et de l'hypoglycémie. Mon pote a carrément renoncé à monter sur sa planche et se contente de marcher de long en large comme un zombie en tirant sur son leash, de l'eau jusqu'à la taille. La pâleur de son teint et l'absence de lueur dans son regard en dit long sur son envie de partager avec les poissons les restes de son petit déjeuner. Interrogé sur l'éventualité d'une sortie imminente, il me répond "j'ai qu'une envie, c'est de me rouler en boule dans un coin et de mourir". Je partage ardemment ce désir, mais pour moi la journée n'est pas finie.

En effet, une fois sorti, changé, et les affaires du pote déchargées dans le parking (sa femme arrive avec le camion et les enfants pour ramasser le(s) débris), il est temps de faire route vers l'atelier de l'artiste local pour finaliser notre projet de shape. En posant les dernières lignes du cahier des charges (options de finition, couleur du logo et des boitiers...) je ne peux que trop bien imaginer le résultat pour lequel il faudra désormais attendre jusqu'au mois de septembre. Et si les cotes initiales proposées par le shaper lors de notre première entrevue étaient tout ce qu'il y avait de plus "raisonnables", et donc pas particulièrement excitantes; nos récents échanges nous ont permis de converger vers ce que j'estime le compromis idéal entre réalisme (j'ai beau avoir les mensurations de Jordy Smith, je n'ai pas son talent...) et sexitude (j'ai beau ne pas avoir le talent de Jordy Smith, j'aimerais avoir le genre de planche qu'un type de sa trempe apprécierait surfer...). Je suis à présent complètement emballé par le résultat, et l'attente qui démarre risque d'être d'autant plus longue.

En rentrant chez moi dans l'espoir de pouvoir comater quelques heures, j'ai le sentiment d'une journée bien remplie. Il n'est pas encore midi, je me suis payé une belle marrade avec un super pote, je me suis réconcilié avec une planche et j'ai signé pour une autre... Il ne me reste plus qu'à aller trouver l'extension du quivermobile grâce à laquelle je prévois d'organiser mon prochain surf trip.

Allez, on se sort les doigts et on y va!

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K
la dernière collection "prêt à surfer été-été" de chez Décathlon... au centre-ville de Quiberon !!<br /> On a beau médire sur cette marque, je me régale sur mon moussu ou mon beater olaian dans le shorebreak. Et que dire du sav au top ? Mon fils a laissé son beater acheté il y a un an cloquer au soleil ce WE : échange standard sous garantie sans aucun pb !
Répondre
U
Perso, je n'ai rien contre la marque. Je leur ai acheté trois planches, toutes mes housses et les kilos de wax que je consomme chaque année (sans parler des innombrables articles de camping/sports co/rando qui encombrent mon garage). Ils font de super produits à des prix défiant toute concurrence.<br /> <br /> Non, le souci ce sont les hordes de touristes qui déferlent sur les plages et qu'on associé inévitablement à cette marque... Tout simplement parce qu'ils en sont des consommateurs exclusifs.