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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Molto crescendo

"Mouais, c'est pas fameux quand même...
- Faut voir le bon côté des choses: aujourd'hui au moins on ne se fera pas défoncer la gueule gratuitement!"

Two guys, one spot.

La guérite, 12h.

Pour le coup, je partage l'avis du collègue: on a déjà vu largement plus alléchant comme conditions. Mais contrairement à lui, j'ai bouffé une bonne grosse session de merde il y a deux jours et j'ai bien l'intention de me refaire. Les vagues sont molles, partent en escalier... Mais la barre n'a pas l'air vilaine et les morceaux hauts comme un bonhomme sont rarissimes. Cette session s'annonce d'avantage comme une baignade un peu moisie que comme une séance de touillade intensive. Je retourne donc à mon camion, que j'ai eu l'idée géniale de garer au milieu d'une flaque d'eau géante, pour me préparer. Encore une fois, le choix de la planche est quasi instantané: Session après session, Linette et moi renforçons notre relation fusionnelle. Plus je la surfe et plus je l'aime cette planche. La Cymatic est pourtant posée juste à côté à me faire de l'oeil, et je sais bien qu'avec cette dernière, je ne serais pas en reste. Mais à l'idée de laisser Linette dans le camion, j'ai comme une boule au ventre. Au delà de son statut de "nouvelle planche" qui lui confère un bonus indéniable à ses jets de charisme, il y a un petit quelque chose d'inexplicable qui me fait penser que la session sera forcément mieux avec elle.

L'appoint de wax fait, nous nous mettons à l'eau. Comme prévu, le passage de la barounette ne pose pas de souci. Il y a encore un peu de monde à l'eau mais ça ne glisse pas des masses. Ce n'est pas tant le vent qui pose souci car bien qu'onshore, il est suffisamment faible pour ne pas saccager les vagues, mais plutôt la combinaison de plusieurs houles de différentes longueurs d'ondes, qui se mélangent et s'annulent mutuellement. Le schéma typique, c'est de voir arriver une vague qui semble creuser de façon intéressante jusqu'au moment où une marche se forme à mi-hauteur et parte vers l'avant à mesure que la seconde houle double la première. L'onde dépassant sa propre écume, les vagues donnent même parfois l'impression de déferler vers l'arrière. Dans ces conditions, il ne reste que deux solutions: profiter d'un coup de chance pour partir avant que la marche ne se forme, puis dévaler l'escalator jusqu'à ce que la vague s'essouffle d'elle-même quelques mètres plus loin; ou tenter de partir dans la mousse en espérant une reforme.

Optant au départ pour la seconde option, je m'offre plusieurs magnifiques tout-droits sans véritable espoir de manœuvre. Puis je passe à la technique "opportunisme" et ne réussis à scorer guère plus qu'une poignée de bottoms. Lorsque j'ai assez de chance pour enchaîner une ou deux vagues d'affilée, c'est le collègue qui fait la bouée en attendant son karma. Et vice-versa. Bref, pour l'instant c'est clairement pas folichon pour l'un comme pour l'autre. Je m'efforce néanmoins d'apprécier la substantielle amélioration en comparaison de la véritable séance SM que je m'étais infligé 48h plus tôt. L'eau est encore tiède en ce mois d'octobre, et à défaut d'envoyer des rollers de folaïe, je glisse quand même de temps en temps tout en profitant du soleil.

Partant sur une droite qui s'était révélée tardivement comme "praticable", j'ai la chance de profiter d'une reforme juste après avoir terminé mon premier bottom. Sans effort, Linette bascule dans cette descente impromptue et accélère. Étrangement (ou pas), je me sens beaucoup plus à l'aise backside avec cette planche qu'avec mes autres flotteurs montés en quad. Au lieu de tenter maladroitement de jouer du tic-tac avec la vague dans le dos, j'appuie de longs carves que les thrusters transforment en accélération. Le tail plus étroit fait également que mes talons sont proches du rail et que ce dernier mord la pente avec d'autant plus d'aisance. Mon planning étant toutefois précaire, eu égard à la puissance limitée de ma vague, je me contente de top turns légers, dans le but de prolonger le plaisir au maximum. Après deux passages à vide et autant de reformes supplémentaires, je termine ma course dans les mousses, au milieu des stagiaires de l'école de surf. En me retournant, je vois ma bouée préférée loin derrière les lignes d'écume. J'ai péché par gourmandise. J'en suis quitte pour me repayer un passage de barre.

Au second passage, la susdite barre m'a l'air légèrement plus consistante. Il me semble également que le vent commence à monter doucement. Les vagues n'accusent pas encore le coup mais j'ai bien peur que les choses ne se dégradent sans tarder. Il est clairement temps de sauver les meubles en sortant sur une glisse honorable. Hélas, malgré de longues minutes de patience, la "vague potable" que nous attendons ne semble pas vouloir se présenter. Les grosses séries pètent au loin avant de se volatiliser dans leur propre écume, et les petites refusent catégoriquement de déferler, ou ferment brutalement. D'un regard, nous échangeons nos craintes "ça y est, le vent monte, c'est foutu".

Je me prépare mentalement à rentrer à la nage pour éviter de rester coincé là jusqu'à mourir de vieillesse, lorsque soudain, l'impensable se produit. Une gauche sortie de nulle part se met à creuser juste à côté de moi. Je m'engage sans même ramer. Linette part comme une bombe. La vague creuse vite et tente de m'enfermer, mais je lui échappe d'un bottom rageur derrière lequel un roller s'enchaîne de façon presque naturelle. Bien calé dans la poche, je m'élance pour une seconde ascension lorsque la crête en face commence à déferler dans ma direction. Profitant de ce tremplin providentiel, je termine mon bottom le plus verticalement possible et trouve l'appui nécessaire pour opérer un virage à 180° qui se termine sur le dessus de la lèvre, laquelle j'accompagne ensuite dans sa descente jusqu'en bas de la pente. Le grand frisson!

A l'issue de cet énorme coup de bol, j'estime avoir rempli l'objectif principal de cette session, et plus rien ne m'empêche désormais de sortir. Toutefois, mu par ce sentiment pervers fait d'un mélange d'espoir et d'addiction, j'utilise le prétexte que mon camarade n'a pas encore eu son ticket de sortie pour retourner me replacer.

Pour une fois, cette décision allait s'avérer profitable: à peine replacé, j'accroche une droite assez puissante pour envoyer une gerbe d'eau. Quelques minutes plus tard, une seconde droite se reforme à plusieurs reprises, me procurant à nouveau cette agréable sensation de glisse backside que je ne ressens qu'avec Linette. Profitant au maximum de cette ultime vague grâce à un subtil mélange de cut backs et de pumping sur les sections molles, je termine ma prestation par un dernier top turn assez appuyé pour me filer la banane jusqu'au parking.

Du haut de la dune, je surveille le collègue afin de voir s'il trouve son bonheur. Cela me permet d'assister à sa dernière vague. Le bougre a fait des progrès et carve deux jolis bottoms sur la section qui tente de l'enfermer. Un instant, je me dis que j'aimerais bien pouvoir me regarder ainsi, de l'extérieur, pour constater mes propres progrès (ou au contraire l'absence de ces derniers...). Le fait est que, faute de recul, je ne me représente mes performances qu'au travers de la lentille déformante de mes sensations. A quel point le style que j'imagine avoir est-il éloigné du style que les autres voient? Le moins possible j'espère... Parce que sinon, je dois vraiment avoir l'air gland!

Quoi qu'il en soit, je suis heureux d'accueillir mon partenaire au cul du camion, et de lui faire part de mon admiration (avec toute la pudeur qui s'impose, cela va de soi): "Pas mal, ta dernière vague. Jolis carves."

Nous nous changeons. Dans une tentative lamentable de faire croire à mon passager que j'avais intentionnellement choisi cet emplacement pour me stationner, je profite de l'énorme flaque au milieu de laquelle trône mon véhicule pour me rincer les pieds sans tirer l'eau de mon jerrycan. Le subterfuge ne prend pas, notamment à cause du fait que j'arrive à foutre de la gadoue plein mon coffre.

Avant de partir, nous faisons un dernier bilan sur les conditions du jour:
"Ça aurait pu être pire.
- Carrément, rien à voir avec avant-hier.
- Sur la fin, j'ai eu peur que le vent foute tout en l'air, et puis bizarrement, c'est à ce moment là que j'ai pris mes meilleures vagues.
- Ouais pareil. C'est quand c'est parti en couille que ça a commencé à marcher. Ya rien à comprendre..."

Oui, ce fut décidément une drôle de session... Elle avait commencé doucement dans des conditions presque potables et s'est terminée plutôt pas mal dans un début de chantier.

Molto crescendo.

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D
Salut, j'ai discuté avec un gars vers midi à la Guérite, et il m'a fait le même constat pour les condition. Pas super vers 10h30 puis meilleur vers la fin malgré le vent onshort.
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U
Bizarre hein?
A
Une belle pause de surf finalement... 1 jour c’est pas mal ;-)
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U
Tout est de ta faute !!!
C
C'était mieux que samedi pour sûre aussi. Je comprend ton soucis d'interprétation de comment tu surf vu d'un oeil extérieur, ma hantise ça serait d'avoir la poop stance le jour ou on me filme ou on me photographie, le top de la honte serai de se faire photographier par stb report sur une loose totale.<br /> Le genre de truc qui casse l'égo.
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U
La seule chose dont je sois quasiment certain, c'est qu'en vrai je ne ressemble pas à ce que je raconte dans mes textes XD