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Surf loose report

Chroniques de la loose surfistique ordinaire

Double dose

Les crevettes, 5h15.

Et c'est parti pour la première session de la journée! En raison d'une actualité professionnelle mouvementée, j'ai décidé de m'octroyer pas moins de deux créneaux aujourd'hui... En espérant que les conditions soient au rendez-vous.

Pour ce matin, ça a l'air de le faire en tout cas: les lignes sont présentes. Papa_école_surfeur aussi, accompagné d'un débutant qui n'a pas trop l'air de savoir ce qu'il fout là. Le pauvre ne comprend pas comment on peut être assez maso pour sortir du lit à 4h15 à cause d'une sombre histoire de surf. Il n'a visiblement pas encore goûté à la glissoline. Moi, mon dernier fix remonte à avant hier et j'ai les mains qui commencent à trembler quand je sens l'odeur de la wax fondue dans mon camion surchauffé au soleil. Il est temps d'aller prendre un shoot.

A vue de nez, ça ferme sec. Malgré un vent de terre et un plan d'eau glassy, les lignes ne trouvent pas le chemin de la déroulade et pètent à plat sur plusieurs dizaines de mètres. Loin de la gavade du début de semaine, ce qui nous attend ressemble davantage à une succession de drops et de tout-droits dans la mousse. Jugeant les vagues à hauteur d'épaule et suffisamment creuses, j'opte pour la Cymatic en espérant que sa vitesse supersonique me permettra d'échapper à l'écume pendant quelques précieuses secondes.

Nous ne sommes que trois à l'eau à notre arrivée. Une solitude hélas de courte durée, mais sans grand impact sur notre fréquence de glisse. Ça ferme vraiment, mais genre vraiment très sec. Et comme ma Cymatic démarre un poil plus bas que mon Evo, il ne me reste vraiment plus beaucoup de temps pour faire quoi que ce soit. Pour peaufiner le tableau loosesque, notre débutant de service jette l'éponge après à peine trois quarts d'heure, faute de pouvoir tenir plus longtemps. Ses bras tétanisés par l'effort me rappellent mes premières sessions, quand mes épaules me brûlaient au bout de quelques minutes. Et pour en rajouter au manque d'endurance musculaire, il faut aussi considérer le fait qu'un débutant rame de façon beaucoup moins efficace, et est donc condamné à redoubler d'efforts.

Le départ de notre acolyte est pour moi un signe: il est temps de changer de planche. Les séries se rapprochent de plus en plus de la côte avec la montante, et le shore break pointe progressivement le bout de son nez. J'estime qu'il va me falloir partir encore plus tôt pour glisser un minimum avant de finir sur le sable: il est temps de sortir l'Evo. L'Evo que papa_école_surfeur a critiqué dès le premier regard, qu'il a jugé "trop grosse", "trop carrée" et contre laquelle il s'est toujours refusé à échanger l'une de ses planches le temps d'un essai. L'Evo qui, dans ces conditions, sera sans aucun doute la plus adéquate de mes planches.

L'échange fait, me voilà de retour à l'eau pour choper immédiatement une "longue" droite (assez longue pour enchaîner deux virages) et quelques gauches presque pas vilaines. J'en conclut sans l'ombre d'un doute que, pour une fois, j'ai fait le bon choix. "Elle est magique, cteu planche, j'ai rien à faire: c'est elle qui part toute seule!". "Tu dis ça pour me convaincre de l'essayer?" me demande papa_école_surfeur. Ce n'était pas mon intention, je voulais juste me la péter un peu, mais l'éventualité de le voir essayer une planche qu'il refuse systématiquement depuis deux ans (au point même de lui avoir préféré Gisèle lors d'une récente session particulièrement moisie) ne manque pas d'intérêt. Derechef, et après à peine une poignée de vagues sur mon Evo, je me retrouve avec son fish de 32 litres sous le ventre et un bien maigre espoir de choper quoi que ce soit.

Lors de sa première tentative, papa_école_surfeur se laisse surprendre par le rail droit et le nose large du shape de Daniel Thompson et plante en beauté. Mais dès la seconde vague, le voilà sous le charme! "C'est la meilleure de tes planches que j'ai testé!" me lance-t-il. Mieux que Gisèle? Mieux que Linette??? Sa réponse est sans équivoque, il n'a plus que l'Evo en tête et des étoiles dans les yeux. Il s'imagine déjà avec un modèle à sa taille. "Dans ce cas, attends d'avoir essayé la Cymatic... C'est la même sous stéroïdes". Car en deux ans de sessions ensemble, il n'a pas davantage daigné y poser les pieds. Seule Linette avait jusqu'alors trouvé grâce à ses yeux.

C'est sur ce drôle de retournement que se termine ma première séance. J'ai les aisselles en feu, séquelles laissées par ma combi au cours de l'interminable session de mardi dernier et que l'oubli systématique du lycra n'arrange en rien. Je me change à deux à l'heure, en prenant soin de garder les coudes en l'air pour éviter tout frottement superflu. Je n'ai pas terminé d'enfiler mon sweat que mon camarade écume déjà les petites annonces sur son téléphone portable, à la recherche d'une occase. Il parle même de vendre ses nouvelles planches pour financer une Tomo. Ça sent l'achat compulsif à plein nez. Si c'est vrai qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, alors le mec en face de moi est un véritable génie.

Port-Blanc, 12h.

Après une tentative avortée de télé-travailler depuis mon camion (le débit Internet n'est décidément pas fameux sur le parking de port-blanc...), j'avais fini la matinée chez mon collègue de boulot afin de profiter de sa box. Conséquence heureuse de ce changement de plan: je suis à présent accompagné pour ma deuxième session de la journée. Le vent est passé ouest, mais ne souffle pas encore de manière significative. La session ne sera pas placée sous le signe du tube parfait mais il y a largement de quoi glisser... et beaucoup de monde à l'eau pour en profiter.

Comme mes bras me piquent encore, je pense cette fois au lycra protecteur. Double effet kiss-cool, cette petite sous-couche de tissu sec rend beaucoup plus supportable l'enfilage de combinaison humide. Pour le choix de planche, Linette me lance des regards appuyés, mais l'engouement de mon partenaire du matin pour les shapes de Daniel Thompson donne à ma Cymatic un charme diffus auquel je ne parviens pas à résister. C'est donc avec ma planche Thaïlandaise sous le bras, chaussée comme à son habitude de quads Alpha futures, que je me dirige à présent vers le premier peak, celui situé derrière la grosse patate.

D'abord seuls, mon collègue et moi sommes rapidement rejoints par un, puis deux, puis trois, puis une foule de surfeurs venus profiter de la descendante. Plus le niveau de l'eau baisse, plus le peak fonctionne et plus il y a de monde à se bagarrer pour choper une vague. Déjà partiellement épuisé, je laisse mes semblables à leurs chamailleries et rame un peu à l'écart pour tester un peak moins consistant, mais désert. Derrière la grosse patate, ça se taxe, ça se drop, c'est le festival du coup de pute. L'idée même d'aller y poser les dérives n'est bientôt plus qu'un lointain souvenir.

Après une suite de vagues un peu courtes mais bien pêchues partagées en toute intelligence avec le collègue, je commets l'erreur d'évoquer mon obsession pour la tablette de chocolat qui m'attend dans le camion: "Ah, c'est un signe ça" me glisse ce dernier "si tu veux qu'on y aille, ya pas de souci. Pour ma part j'ai eu mon compte: les sessions de la semaine passée ont laissé des traces." C'est vrai que je commence aussi à racler les fonds de tiroir côté réserves énergétiques. Entre le réveil à 4h du mat et les trois heures et demies de session cumulée, mon corps commence à faire de la merde à chaque take off.

Mais, devisant du côté de port-pigeon, j'estime être en mesure de sortir sur un dernier coup d'éclat: la gauche a l'air de fonctionner du tonnerre et les gars sur place sont d'un tout autre niveau. Le genre de niveau qui sait notamment ce qu'est une priorité et qui ne rechigne pas non plus à laisser une vague aux copains lorsqu'il vient de scorer une bombe. Je m'approche du peloton en veillant à garder mes distances, pour ne pas hérisser le poil des locaux. J'attends que le lineup tourne un peu avant de venir m'incruster dans la file pour prendre mon ticket. Je suis légèrement plus à gauche que le peak principal mais une série me fonce droit dessus. Par chance, mon placement est juste parfait: au moment de lancer ma planche dans la descente, je croise le regard dépité des trois mecs qui n'ont d'autre choix que de me laisser la prio sur la bombe que je viens d'accrocher.

La vague est une fois et demie plus haute que moi, et plutôt raide. Pas suffisamment pentue pour partir en tube, mais largement assez pour me propulser à la vitesse du son. Poursuivi par le grondement de l'écume, ma planche file tellement vite que je n'ose même pas tenter une manœuvre par peur du wipeout. Je taillade le mur d'eau qui me fait face de part en part avant de finalement pousser sur le pad pour freiner mon élan. J'ai filé tellement loin qu'il est déjà temps de penser à revenir dans la poche. Un cut-back plus tard, je commence enfin à tricoter sur une pente qui n'a de cesse de se reformer jusqu'à ce qu'enfin, je doive m'en extirper in-extremis avant de me faire éclater contre la falaise.

C'est officiel, la session est validée. Non, la journée est validée. Après un shoot pareil, je peux bien m'offrir un jour de pause ou deux. Le collègue me rejoint presque aussitôt, pour tenter lui aussi sa chance. Je lui tiens compagnie un instant mais pour moi la partie est pliée. Mon corps décide de me laisser définitivement tomber, il passe en mode "va te faire foutre, je me casse". Une gamelle en mode "garage à vélo" et une vague presque potable plus tard, je suis en train de marcher le long de la falaise, en direction du moelleux de mon siège conducteur. Les coeffs sont petits et le sable a foutu le camp, impossible de trouver un chemin au sec. Je me retrouve à faire du longe côte dans les remous. Chaque pas me coûte. J'ai l'impression de ne pas pouvoir y arriver et, en même temps, je me sens tellement bien. Oui, cette fatigue est... reposante, enivrante, agréable. Exactement ce qu'il me fallait pour me vider la tête, comme si toutes les idées noires avaient foutu le camp avec la transpiration.

Du parking, le peak de port-rhu ressemble à un pare-brise un soir d'été: moucheté d'innombrables petits points noirs. Port-blanc, de son côté, ne fonctionne plus trop. Je n'ai pas le moindre regret à ranger le matos dans le coffre. C'était une super journée.

Une journée "double dose" de glissoline.

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C
Belle dose d'endorphine, la vague de fin avait l'air bien sympa ( pas celle du garage à vélo à queue de scorpion) .<br /> En ce qui concerne l'évo c'est une board que je regrette d'avoir revendu, elle était tellement rapide, c'était comme avoir un cheatcode dans un jeux vidéo... le genre de board qui te rend fainéant sur ton pumping tellement c'est une bombe de vitesse. J'en ai battu des sections fermante comme toi , je m'en suis rendu compte quand je l'avais revendu... trop tard =/ par contre comme tu la dit sur un autre poste les rails saucisses , et le cul carré la rend compliquée sur certaines sessions mais bon ce n'est pas son créneau =).
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U
C'est vrai que pour le coup, avec "seulement" trois planches en dur, j'ai de quoi surfer pratiquement n'importe quoi. (Je ne compte pas le longboard, il est hors catégorie)
A
Salut,<br /> Tout d'abord, bravo pour ton assiduité à relater tes exploits surfistiques depuis si longtemps. Je crois que je les ai à peu près tous lu... et me suis en général bien marré.<br /> J'ai bien souvent hésité à commenter mais me suis abstenu (ce n'est pas toujours intéressant/pertinent - cf BZHécume...).<br /> Bref, si je poste aujourd'hui, c'est parce que je crois que c'est la première fois que nous avons surfé au même endroit à la même heure : Port pigeon, 12h30/15h. En même temps, comme je ne suis pas fan des sessions moisies à l'aube, on ne risquait pas de se croiser... ;-)<br /> En tout cas, je valide ta description (même si je trouve généreux sur la taille des vagues - ah, la taille des vagues...), super session avec pas trop de monde, à peine moins bien que la veille.<br /> Pour info, j'étais en combi quik "bleu camouflage aquatique".<br /> Etire bien tes courbatures et continue ta chronique !<br /> Au plaisir de se croiser dans l'eau.
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U
Pour ma défense au sujet de la taille des vagues. Mon estimation n'est valable que pour LA vague que j'ai eu la chance de trouver sur ma route, et au moment où elle était sur le point d'exploser. Ce n'est ni une taille moyenne, ni une estimation honnête, juste l'impression d'un mec qui a pissé dans son froc à l'idée de la prendre sur la gueule.
A
hé bé comme quoi parfois ça a du bon d'être un toxico
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